Jon Entine est un écrivain scientifique américain. Il est le fondateur et directeur exécutif du Genetic Literacy Project, une organisation à but non lucratif qui informe le public sur la révolution en biomédecine et biotechnologie agricole. Il était auparavant membre de l’Institute for Food and Agricultural Literacy de l’Université de Californie à Davis, du Center for Health & Risk Communication de l’Université George Mason, et de l’American Enterprise Institute. Après avoir travaillé comme rédacteur, producteur et directeur pour NBC News et ABC News de 1974 à 1994, Entine s’est lancé dans la recherche universitaire et le journalisme imprimé. Entine a écrit sept livres, dont quatre sur la génétique et les risques chimiques, et contribue comme chroniqueur à de multiples journaux et magazines.
Grégoire Canlorbe : Il n’est pas rare d’invoquer l’affirmation beckérienne que la libre compétition entre firmes économiques tend à évacuer la discrimination raciale en ce que celles des firmes qui fondent l’embauche sur la race plutôt que sur l’efficacité au travail sont prétendument désavantagées par rapport à leurs concurrentes. Cette ligne de pensée capture-t-elle le fonctionnement effectif des économies de marché — en Amérique et ailleurs ?
Jon Entine : Je pense que cela dépend de ce que vous voulez dans une compétition. S’il s’agit uniquement d’une compétition de QI, vous voudriez que les personnes avec les plus hauts QI gagnent. S’il s’agit d’une compétition, comme une athlétique, pour le coureur le plus rapide, la personne pourrait être un crétin total et ne pas être particulièrement futée, mais si elle est le coureur le plus rapide, elle va gagner. Maintenant, dans une société complexe, les dirigeants qui émergent vont avoir toute une série de qualités, pas seulement l’intelligence, pas seulement le dynamisme, des caractéristiques de personnalité comme la sociabilité. Et donc, vous allez vouloir de nombreux facteurs, de nombreuses qualités, chez les dirigeants, en sus de l’intelligence nue, si tant est que cela existe. Et chaque fois que vous introduisez un facteur de qualification comme la race, cela fausse l’analyse. Maintenant, vous pouvez soutenir que vous voulez que la race soit un facteur parce que le manque de diversité raciale conduit à une mauvaise perception de la réalité du monde. Vous pouvez donc en faire un argument. Mais il ne fait aucun doute que si vous n’avez que les personnes les plus grandes, ou n’avez que les personnes les plus intelligentes, ou n’avez qu’un certain facteur spécial que vous déterminez, vous allez laisser de côté d’autres qualités de direction et de réussite potentiellement extrêmement importantes. Donc, je pense qu’il est potentiellement dangereux que la race soit utilisée comme un facteur si elle est exagérée et qu’elle finit par être discriminante à l’encontre de personnes qui, autrement, seraient mieux à même d’être performantes dans cette situation.
Grégoire Canlorbe : S’il a connu des périodes de relents obscurantistes et littéralistes comme la mise au feu de l’œuvre de Maïmonide au XIIIe siècle, le judaïsme — depuis au moins l’époque de la communauté juive d’Alexandrie — a porté en lui des principes hellénisants tels que la rationalisation de la Torah, et tels que la poursuite de la connaissance à travers le doute personnel et la confrontation des opinions. L’islam a-t-il emprunté une route similaire (vers l’interprétation et la libre enquête) depuis le bouillonnement intellectuel de l’Andalousie sous domination musulmane ?
Jon Entine : Je pense que de nombreuses populations historiques traversent des périodes de sophistication puis tombent dans une période rétrograde. Cela arriva aux égyptiens, aux grecs et aux romains. Vous pouvez en fait voir cette tendance dans le judaïsme au Moyen Âge, lorsque les Juifs devinrent en réalité très obscurantistes et adoptèrent beaucoup de croyances mystiques, et furent considérés comme très irrationnels. Maintenant, ils étaient curieusement très alphabétisés, mais ils l’étaient d’une manière mystique; ils lisaient les ouvrages religieux juifs, mais rien d’autre. Les Lumières chrétiennes ont en fait précédé les Lumières juives d’environ cent ans parce que les juifs étaient pris dans ce piège mystique. Mais historiquement, les juifs ont toujours été une culture très alphabétisée. L’islam a eu une histoire très différente. Il apparut dans la période du premier millénaire. Les musulmans étaient dans l’ensemble assez bien éduqués dans les premières années de l’islam. Mais au fil des siècles, ils accomplirent des allers retours entre une sorte d’histoire anti-intellectuelle nomade et une d’inspiration intellectuelle. Il y eut une période entre les 8ème et 14ème siècles où l’islam était très dominant en Afrique du Nord et dans la péninsule ibérique, et à un moment donné atteignait la région autour de Barcelone. Les musulmans appelèrent leur califat et leur patrie Al Andalus. Leurs villes étaient de grands centres d’apprentissage islamique, et les grandes bibliothèques du monde étaient islamiques. La médecine connut des progrès considérables pendant cette période. Elle est parfois appelée « l’ornement de l’histoire », car dans l’ensemble, juifs et chrétiens vivaient principalement en sécurité et en harmonie avec leurs voisins islamiques. Le groupe intellectuel dominant, les médecins, les positions juridiques de cette époque et les grands penseurs intellectuels étaient majoritairement musulmans. C’est l’une des seules périodes de tolérance parmi les trois religions abrahamiques de l’histoire. Mais la montée des royaumes chrétiens écrasa finalement les bastions musulmans, et l’islam ne s’en remit jamais vraiment par la suite. Il n’y a jamais eu de société musulmane qui, dans ses accomplissements, ait été au niveau des sociétés asiatiques ou européennes depuis l’effondrement de cette ère. Donc, il existe certainement des traditions différentes parmi les différents groupes en fonction de leurs expériences culturelles.
Grégoire Canlorbe : En tant que fin connaisseur de la chimiophobie, vous ne pouvez pas ignorer le climat de méfiance entourant le glyphosate. Pourquoi considérez-vous que le glyphosate et les cultures génétiquement modifiées sont, en fait, bien plus durable que l’agriculture biologique? Que répondez-vous à l’affirmation selon laquelle les partisans du glyphosate devraient être prêts à boire un verre de vin de ce dernier si, vraiment, ils pensent et entendent montrer que ce produit est deux fois moins toxique que le sel ?
Jon Entine : Le glyphosate fut un produit découvert littéralement par erreur dans les années 1970, et il a été principalement utilisé comme herbicide. Il a d’autres propriétés, y compris le contrôle du cancer, et il existe de nombreuses études sur son utilisation potentielle dans ce domaine, mais il n’a pas été exploité. Les scientifiques découvrirent qu’il avait la capacité de tuer les mauvaises herbes à peu de frais à des niveaux toxiques modestes. Sa toxicité équivaut à peu près au sel ; il est assez doux, non cancérigène d’après des milliers d’études et a peu d’empreinte environnementale voire aucune. C’est une concoction chimique tout à fait remarquable. Les scientifiques des années 1980 découvrirent comment fabriquer des produits agricoles de base tels que le maïs, le soja et le coton qui soient tolérants au glyphosate. En d’autres termes, si vous pulvérisiez ces cultures, tolérantes aux herbicides, le glyphosate, initialement développé et commercialisé sous le nom de roundup par Monsanto, qui appartient maintenant à Bayer, était l’un des deux produits qui furent les premiers à sortir lorsque les cultures OGM furent introduites en les années 1990. Les autres principaux produits de base mis sur le marché furent conçus pour inclure une bactérie naturelle, utilisée même aujourd’hui par les agriculteurs biologiques, qui les rendait résistantes à de nombreux insectes nuisibles. Ce furent là les deux premiers produits OGM à s’imposer sur le marché et ils connurent un énorme succès. Ils devinrent la cible d’activistes anti-OGM pendant de nombreuses années, quand bien même les deux furent jugés extrêmement efficaces et sûrs.
Un problème commença à se développer avec le glyphosate, cependant : de nombreuses mauvaises herbes développèrent une tolérance à l’égard de ce dernier. Simplement parce que c’est ce qui se passe. L’évolution est l’évolution. Et si vous continuez à arroser les mauvaises herbes avec un certain type de désherbant, des mutations se produisent finalement qui permettent à l’herbe de survivre. Et après quelques années, vous avez tout un tas de mauvaises herbes qui ne sont pas tuées par le glyphosate. Donc, nous avons eu cette explosion de problèmes de mauvaises herbes en 2010 environ. Cela était un vrai problème, même si la résistance des mauvaises herbes est un fait naturel avec les désherbants sans OGM. Mais la question mit l’agriculture conventionnelle et le génie génétique sur la défensive, absolument. Et puis, une étude controversée sortit en 2015 par une sous-agence des Nations Unies appelée CIRC — Centre international de recherche sur le cancer — et elle conclut que le glyphosate pouvait causer des problèmes aux applicateurs, aux personnes qui appliquent le glyphosate, et qu’ils pourraient être sujets à un type spécifique de cancers, le lymphome non hodgkinien. Le CIRC était une agence relativement obscure avant cette conclusion. Et ses conclusions furent contredites par toutes les autres grandes organisations de réglementation et de recherche dans le monde, 16 autres agences internationales de l’OMS elle-même, deux autres sous-agences de l’OMS, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’Autorité allemande de sécurité des aliments, l’Académie royale de Londres, l’APE des États-Unis, et des académies au Canada, au Japon, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Tous conclurent qu’il n’y avait guère de preuve convaincante que le glyphosate causât le cancer, et aucune ne recommanda une interdiction. Donc, vous aviez une agence qui disait qu’il pourrait causer le cancer dans des circonstances limitées. Ils ne disaient pas qu’il affectait les humains lorsque des traces étaient dans notre nourriture. Et toutes les autres agences déclarèrent que le CIRC faisait la promotion de la mauvaise science et qu’ils avaient mal géré les données. Et ils l’accusèrent également d’être politiquement motivé. En fait, le principal scientifique du CIRC à rédiger son rapport rejoignit secrètement l’équipe du contentieux qui poursuivit Monsanto. Mais comme le CIRC était lié à l’OMS, même s’il s’agissait d’une sous-agence et non de l’OMS elle-même, ses conclusions furent largement diffusées, en particulier par les activistes anti-OGM. Sa monographie effraya beaucoup de gens et aboutit à de nombreuses poursuites. Et il y a eu maintenant des affaires juridiques aux États-Unis dans lesquelles les jurys ont rejeté les preuves scientifiques accablantes qui montraient que le glyphosate n’est pas nocif. Mais les jurys peuvent faire ce qu’ils veulent. De nombreuses personnes sont condamnées ou déclarées innocentes, indépendamment de ce que les preuves montrent réellement. Et, fondamentalement, Monsanto, maintenant Bayer, fut reconnu coupable dans de multiples affaires judiciaires où il était affirmé qu’il causait un lymphome non hodgkinien chez un certain nombre de travailleurs qui le manipulaient.
Donc, fondamentalement, beaucoup de gens ont maintenant peur du glyphosate et les politiciens réagissent à l’opinion publique, non à la science. Des mesures sont en cours pour l’interdire, même s’il s’agit de l’herbicide le plus efficace et l’un des moins toxiques que l’on puisse utiliser. Il est toujours largement utilisé. Mais avec le temps, je pense qu’il sera banni. Et les agriculteurs sont très mécontents de cela. Je pense que la plupart des agriculteurs croient qu’il est extrêmement sûr. Les scientifiques croient massivement qu’il est sûr. Le mythe selon lequel le glyphosate est dangereux est persistant, et il fait vraiment partie de la guerre en cours qui existe à propos du type de système alimentaire que nous voulons avoir. Pourtant, il n’y a pas de solution de remplacement en termes d’herbicide dans le monde biologique qui soit aussi sûre que le glyphosate. Ils sont tous aussi ou plus dangereux. De nombreuses applications naturelles étouffent les insectes utiles. Donc, nous avons le choix.
À un moment donné, nous pouvons forcer les agriculteurs à l’abandonner, avoir moins de rendement et tuer plus d’insectes bénéfiques, ou nous pouvons le garder, l’utiliser de manière appropriée, suivre les lignes directrices approuvées par toutes les grandes organisations scientifiques du monde, de Santé Canada à l’Autorité européenne de sécurité des aliments, et maintenir un système agricole robuste. Je pense que tous ces gens qui sont si idéologiques sur l’agriculture et qui méprisent la biotechnologie, par essence, sont des Luddites modernes. Ils rejettent tellement la technologie moderne qu’ils sacrifieront notre approvisionnement alimentaire au nom de leur purisme idéologique.
Grégoire Canlorbe : La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre est le plus souvent mise sur un pied d’égalité avec celle contre le nucléaire — ainsi qu’avec la lutte contre les OGM et les technologies agricoles avancées. Pensez-vous que la biotechnologie et l’industrie nucléaire, au contraire, devraient être mises conjointement au service de la dépollution ? Que les OGM et la technologie nucléaire sont en réalité bons pour le climat ?
Jon Entine : Hé bien, je pense que l’agriculture biologique est fondée sur des principes vieux de 100 à 150 ans, et je ne peux penser à aucune technologie que nous adoptons aujourd’hui qui ait 100 ou 150 ans et je crois que c’est en quelque sorte la meilleure façon de faire des choses. Si vous voulez que l’agriculture soit durable ; vous devez avoir les pratiques les plus avant-gardistes et les plus sages. L’agriculture biologique favorise la santé des Asols, et c’est un objectif qui mérite d’être imité. Mais il y a tout autant d’autres aspects de l’agriculture biologique qui sont simplement dépassés. Il y a la croyance que tout ce qui est naturel est meilleur — que si nous mettons des produits chimiques naturels sur les plantes, elles seront en meilleure santé. Mais l’agriculture biologique utilise par exemple du sulfate de cuivre, qui est cancérigène pour l’homme et très dangereux : il tue les insectes bénéfiques. Cela est clairement quelque chose que nous ne voudrions pas utiliser si nous avions des alternatives. La biotechnologie, la culture des OGM, peut également être utilisée de manière inappropriée, mais elle offre également de nombreux avantages potentiels car vous pouvez utiliser des désherbants qui sont spécifiquement axés sur les mauvaises herbes et préservent les cultures et ne nécessitent pas de labour, ce qui libère des gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Donc, d’un point de vue purement de la préservation du carbone, l’agriculture conventionnelle utilisant des semences biotechnologiques est bien meilleure que l’agriculture biologique. L’agriculture biologique est également environ quarante pour cent moins efficace en termes de rendement. Vous allez devoir défricher des forêts pour obtenir le même type de rendement global que vous pouvez obtenir dans l’agriculture, en utilisant des moyens conventionnels avec des OGM. Nous ne pouvons pas nous permettre, sur le plan environnemental, de céder plus de nos terres à l’agriculture ou l’urbanisation. Les cultures génétiquement modifiées les plus nouvelles sont conçues pour utiliser de moins en moins de produits chimiques et, dans certains cas, aucun produit chimique. Nous sommes sur le point de développer des cultures qui créent naturellement de l’azote pour fertiliser le sol sans produits chimiques. Nous avons besoin d’un sol fertilisé pour obtenir le genre de rendements qui conviennent à une société industrielle. Mais l’azote peut causer toutes sortes de problèmes environnementaux. Mais l’édition génétique est en mesure de traiter ce genre de choses. Donc, je suppose que la vraie question devrait être : « Pourquoi n’avons-nous pas un système agricole fondé sur des principes durables plutôt que de choisir l’organique et de le monter contre l’agriculture conventionnelle ou fondée sur les OGM ? » Nous devrions choisir les meilleurs éléments de chaque système, et cela devrait être l’objectif plutôt que de proposer idéologiquement que les OGM ou les produits biologiques sont la meilleure voie à suivre.
Je pense que l’énergie nucléaire et la biotechnologie sont deux des outils les plus importants pour lutter contre le changement climatique. L’énergie nucléaire est la seule technologie de pointe dont nous disposons actuellement dans le secteur de l’énergie qui réduise directement les émissions de carbone à zéro, avec des conséquences limitées. Si vous jetez un œil sur un grand nombre d’énergies renouvelables, elles ont toutes d’autres conséquences. Les éoliennes abattent les oiseaux, et les centrales hydroélectriques endiguent les rivières et provoquent la mort massive de poissons. L’énergie nucléaire, si elle est bien gérée, en particulier la dernière génération, est un outil essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Et nous sommes naïfs de penser que nous pourrions, par la seule énergie alternative, relever le défi de réduire notre empreinte carbone. Et les OGM et les cultures génétiquement modifiées font la même chose. Si nous avons une agriculture sans labour où le carbone n’est pas libéré, nous pouvons réduire considérablement l’empreinte carbone. Si nous n’avons pas à défricher des forêts pour cultiver des aliments biologiques, nous réduisons considérablement le carbone. Si nous n’avons pas de vaches, qui rejettent du méthane, qui est 20 fois plus toxique dans sa teneur en carbone que ne l’est le carbone lui-même, alors — sachant que nous avons besoin de ces vaches pour générer des engrais pour l’agriculture ou des matières organiques — nous sommes dans une meilleure position pour lutter contre le changement climatique. Donc, si nous avançons dans la direction de l’agriculture régénérative, de l’agriculture biologique, ce sera un désastre à long terme. Nous avons besoin d’un mélange de technologies agricoles qui respectent les traditions culturelles des diverses communautés, mais qui soient également durables. Sinon, nous allons droit au désastre pour le climat dans le long terme.
Grégoire Canlorbe : Vous vous méfiez ouvertement des écrans idéologiques idiosyncratiques dans les décisions d’investissement — et croyez qu’une telle manière de procéder est plus susceptible de nuire aux personnes et à l’environnement. Quel système sociopolitique au sens large est le plus immunisé contre les sirènes de l’investissement « socialement responsable » ?
Jon Entine : Je suis tout à fait pour un système qui encourage les investissements dans des activités socialement ou écologiquement progressistes, mais si vous vous concentrez totalement sur des systèmes qui n’ont pas de retour économique, ils ne peuvent finalement pas survivre dans le temps. Le mouvement d’investissement socialement responsable, le problème avec cela est double : premièrement, les valeurs qu’il promouvait étaient très idéologiques. Par exemple, il a déterminé parmi la plupart des professionnels de l’investissement social que les dépenses de défense étaient quelque chose à éviter. J’imagine que si les gens n’avaient pas investi dans des armes défensives, nous aurions pu perdre la Seconde Guerre mondiale. Donc, je ne vois pas le fait d’éviter les armes défensives ou les armes de protection nécessairement comme quelque chose qui n’est pas socialement responsable ; c’est une idée trop simpliste. Donc, il est vraiment préoccupant que nous allions développer un système d’investissement fondé sur les caprices des gens et leur idéologie.bVous pourriez avoir un système d’investissement musulman, qui est en concurrence avec un système d’investissement juif, qui est en concurrence avec un système chrétien, chacun pensant que ses valeurs particulières sont supérieures. Et il y a en fait des fonds d’investissement social musulmans, chrétiens et juifs. C’est une tromperie car cela n’influence pas le comportement; c’est un gadget qui rapporte de l’argent à ceux qui vendent les fonds. Je pense donc qu’il vaut mieux investir pour essayer d’obtenir le meilleur rendement possible et donner aux individus et aux organisations les moyens d’utiliser leur argent de manière socialement responsable. Mais je pense que truquer le système pour que certains types d’activités soient récompensés, et qu’il n’y ait pas les incitations économiques à apporter des freins et contrepoids au sein du système, est une prescription pour l’inefficacité économique.
Grégoire Canlorbe : Beaucoup s’attendent à ce que la neuro-augmentation et la manipulation génétique permettent aux homo sapiens — à travers la prise en charge de leur propre évolution biologique et l’abandon des processus aléatoires de la sélection naturelle — d’accomplir le projet cartésien de rendre les humains « les maîtres et possesseurs de la nature. » Le transhumanisme est-il un rêve raisonnable ?
Jon Entine : Je pense qu’il est raisonnable de penser que nous allons changer notre génome humain. Nous sommes déjà en mesure de le faire de manière modeste. Nous sommes déjà capables d’effectuer des micro-changements dans le génome et je pense qu’avec le temps, il ne fait aucun doute que nous pourrons nous débarrasser de certains troubles génétiques. La maladie de Huntington en serait un bon exemple, car nous savons qu’elle est liée à un gène. Mais le génome humain est très complexe. Le comportement humain et notre composition chimique et génétique sont extrêmement complexes. Donc, le fait que nous puissions manipuler des gènes ne signifie pas que nous pouvons les manipuler avec précision. Il y a toujours des conséquences. La suppression d’un gène ou d’une suite de gènes pourrait avoir des conséquences inattendues. Je pense qu’en fin de compte, avec le temps, nous allons dompter le génome et l’utiliser pour développer de nombreuses thérapies qui n’existent pas actuellement. Que nous puissions développer les sapiens sapiens surhumains, je pense que cela n’est probablement pas nécessairement dans les cartes. Mais je pense que nous ferons beaucoup de progrès dans les décennies à venir dans la lutte contre de nombreuses maladies qui semblent désormais hors de portée de la communauté médicale.
Grégoire Canlorbe : Merci pour votre temps. Souhaitez-vous ajouter autre chose?
Jon Entine : Je n’ai rien d’autre à ajouter, non. Merci pour l’entretien.
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