« C’est grâce à la science et à la médecine que nous vaincrons le virus » a déclaré Emmanuel Macron. De plus, les avis scientifiques sont apparemment écoutés par le gouvernement dans le dossier Covid-19. Si l’on se remémore les turpitudes passées sur des questions scientifiques et techniques (y compris des gouvernements précédents) ne faut-il pas se réjouir ? Oui, mais…
Fessenheim, Glyphosate, OGM … quand le gouvernement se passe des agences
Rappelons, en ce qui concerne le gouvernement actuel, la fermeture de la centrale de Fessenheim sans que l’autorité scientifique en charge (l’ASN) ne l’ait préconisée, et l’interdiction du glyphosate sans que les agences d’évaluation des risques française, européenne, ni d’ailleurs d’aucun autre pays ne l’aient recommandée. Dans ce dernier dossier, pour faire plaisir au ci-devant ministre Hulot, le gouvernement s’est aligné sur l’avis d’un seul organisme, le CIRC, dont il est devenu clair que son groupe de travail sur cet herbicide a été noyauté par des experts anti-pesticides et avec, pour certains, des liens d’intérêt avec des avocats états-uniens qui tentent de gagner beaucoup d’argent en suscitant des procès (lire à ce sujet l’ouvrage Glyphosate l’impossible débat (1).
Rappelons aussi l’interdiction de la culture des OGM en France à partir de 2008, suite à un deal du gouvernement de Nicolas Sarkozy avec les écologistes politiques, avant le Grenelle de l’environnement et en paiement de leur cautionnement dudit débat public. Le gouvernement de l’époque avait fabriqué de toutes pièces les « justifications scientifiques » exigées par la réglementation européenne pour une telle interdiction. Le gouvernement de François Hollande a fait voter une loi d’interdiction avec des arguments tout aussi dépourvus de validité scientifique, sans jamais avoir sollicité l’avis du Haut Conseil des Biotechnologies pourtant créé pour cela…
Responsabilité politique
Tout ce lourd passif ne doit-il pas nous inciter à la circonspection quant à la mise en scène d’un Conseil scientifique et l’installation du Care, le Comité analyse recherche et expertise sur le Covid-19 ? Les collaborateurs ministériels n’avaient-il pas déjà, avant, des contacts étroits avec des experts ? N’est-ce pas là de la com’ politique, pour crédibiliser l’action gouvernementale qui en a bien besoin ? Ne s’agit-il pas d’une instrumentalisation théatrocratique de scientifiques et médecins ? Dans une tribune, Yves Bréchet, ancien Haut-Commissaire du CEA et donc conseiller du gouvernement, s’interroge « si la classe politique a été touchée par la grâce, ou si elle est seulement en quête d’absolution » de ces errements passés.
N’oublions pas non plus le syndrome « sang contaminé » (c’est-à-dire le procès de ministres dans ce dossier plus ancien). Il vaut mieux avoir, pour sa carrière, appliqué le Principe de Précaution dans son interprétation extrême : tout interdire préventivement, sans discernement, pour être paré.
Quand il y a des morts, des vrais, comme dans cette pandémie, c’est ignorer délibérément les avis scientifiques qui devient dramatiquement contre-productif, et donc pour se protéger les politiciens recherchent soudainement le meilleur avis scientifique possible. Mais, lorsque viendra le temps du bilan, les décideurs politiques ne seront-ils pas tentés de se défausser sur les scientifiques des comités mentionnés ci-dessus…
N’oublions pas non plus le procès du séisme de l’Aquila, une ville des Abruzzes en Italie, dont le verdict condamna à 6 ans de prison (en première instance en 2012 ; ils furent finalement acquittés) pour « homicide par imprudence » les sept membres de la Commission italienne « Grands risques » qui s’était réunie six jours avant le séisme. Ils étaient accusés d’avoir été trop rassurants dans leur avis.
Responsabilité scientifique
Il ne faut cependant pas éluder la responsabilité des scientifiques eux-mêmes, et en particulier des responsables des Institutions scientifiques qui ont été passifs face à la marginalisation de la parole scientifique lors des inconduites gouvernementales évoquées ci-dessus. Leur priorité semble davantage le politiquement-correct (par exemple utiliser l’écriture inclusive…) ou la conformité à la doxa médiatique (par exemple écologiste). Le CNRS ambitionne ainsi de contribuer à « réparer le monde » (2), mais évite soigneusement d’aborder la vassalisation de la France et de l’Europe sur les nouvelles biotechnologies, qui fait suite au suicide précédent, celui des OGM. A la faveur de la crise actuelle, est apparue la dépendance de la France par rapport à la Chine pour des médicaments et autres produits stratégiques. Il ne faut pas compter sur les Institutions scientifiques pour alerter sur le fait que, demain, des médicaments issus des nouvelles biotechs seront eux-aussi chinois…
Et que dire des scientifiques qui se répandent dans les médias complaisants, sur une « biodiversité maltraitée » qui serait en cause dans l’apparition des pandémies virales, dont le Covid-19. Ne sommes-nous pas en présence d’un mélange éthiquement douteux entre idéologie (la nature est bonne et ne devient mauvaise qu’à cause de l’Homme) et appétence pour les subventions ? Pour préciser mon interprétation : il ne faudrait pas que tout l’argent de la recherche aille dans la santé, au détriment de son propre domaine de recherche (en l’occurrence la biodiversité) ! Ce qui est sûr, c’est que les scientifiques à l’origine de ce battage médiatique n’ont aucune donnée sur le Covid-19, ni sur aucune pandémie virale. Leur allégation que « l’origine de l’épidémie de Covid-19 est liée aux bouleversements que nous imposons à la biodiversité » est sans fondement, de même que de laisser entendre que « les atteintes à la biodiversité ont accéléré l’épidémie ». Cette frénésie de médiatisation est maintenant passée au stade pétitionnaire, ce qui n’a jamais fait partie de la méthode scientifique…
(1) https://www.glyphosate-impossible-debat.com/
(2) https://lejournal.cnrs.fr/dossiers/reparer-le-monde
…Tout ce lourd passif ne doit-il pas nous inciter à la circonspection quant à la mise en scène d’un Conseil scientifique et l’installation du Care, le Comité analyse recherche et expertise sur le Covid-19 ? Les collaborateurs ministériels n’avaient-il pas déjà, avant, des contacts étroits avec des experts ? N’est-ce pas là de la com’ politique, pour crédibiliser l’action gouvernementale qui en a bien besoin ? … Mais, lorsque viendra le temps du bilan, les décideurs politiques ne seront-ils pas tentés de se défausser sur les scientifiques des comités mentionnés ci-dessus…
Et même ! Aucun gouvernement ne serait légitimement fondé à se décharger sur quelque comité d’analyse et de recherche que ce soit de la décision de choisir les victimes à sacrifier, entre celles du COVID-19 et celles probablement plus innombrables et, en moyenne, plus jeunes de la dépression économique consécutive à l’obligation durable de confiner. Or, tout porte à croire qu’un tel arbitrage va bel et bien se faire en large faveur des premiers, que le couple Macron-Philippe fasse ou non porter le chapeau au CARE ; et c’est là le drame.
Car, comme l’a récemment déclaré le philosophe André Comte-Sponville, l’impéritie de gouvernants privés de la sagacité professionnelle leur incombant les conduit à choisir la facilité consistant à s’abandonner à une sorte de pan-médicalisme : faire de la santé (et non plus de la justice, de l’amour ou de la liberté) la valeur suprême, revenant à confier à la médecine, non seulement notre santé, ce qui est normal, mais la conduite de nos vies et de nos sociétés.
Une terrible erreur dont on ne prendra la mesure que lorsque le vrai bilan pourra être clôturé, c’est-à-dire sans doute quand ceux qui en sont responsables ne seront plus en situation d’être obligés de rendre des comptes.