
Bernard Fontana est le futur PDG du groupe EDF proposé par le Mr le président de la République. En commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, il a récemment exposé sa feuille de route que lui a fixée le gouvernement qui, d’autorité, a mis un terme au mandat de Mr Luc Rémont (1). Christian Sempéres, expert énergéticien (ingénieur retraité d’EDF) a bien voulu commenter cette feuille de route en répondant à nos questions.
The European Scientist: Pourquoi cette feuille de route est importante selon vous ?
Christian Semperes : Cette feuille de route est particulièrement structurante pour notre pays, la France, aujourd’hui et surtout demain, pour l’avenir énergétique, économique, écologique et géopolitique de nos enfants. Il convient toutefois de remettre cette feuille de route dans le contexte politique de ces dernières décennies qui a été déterminant parce qu’il explique la situation dans laquelle se trouve le groupe EDF. Mr Fontana l’a d’ailleurs souligné durant cette audition. Je le cite « Non, EDF n’est pas une entreprise comme les autres. C’est un bien pour la France. Et donc certes, c’est une entreprise, mais qui a des missions particulières. Il faut bien intégrer cette dimension-là. » Et particulièrement, EDF a la mission de garantie de service au public de l’électricité pour la satisfaction des besoins des consommateurs et de l’économie de la France 24h/24, avec en même temps une électricité décarbonée comme il en existe peu dans le monde à ce niveau et dans la durée, à un prix compétitif. Même si la sobriété est de rigueur, avec le nouveau slogan gouvernemental « éteins, baisse, décale » ta consommation, il ne faut surtout pas oublier cet enjeu vital auquel le groupe EDF doit répondre.

TES. : La première des six priorités est « Poursuivre le rétablissement de la production du parc nucléaire », pourquoi c’est essentiel ?
CS. : EDF et le parc nucléaire français ont traversé deux crises majeures depuis 2020. La crise de la COVID 19 et les confinements successifs ont réduit considérablement la consommation et donc la production. Dans ces conditions et compte tenu de la priorité donnée aux ENR qui elles pouvaient continuer à donner leur pleine puissance lorsqu’il y avait du vent et du soleil, la production nucléaire a considérablement baissé durant cet épisode. En 2022, la crise des corrosions sous contraintes (CSC) des réacteurs français a contraint l’ensemble du parc à baisser sa production pour l’analyse des causes profondes. En résumé, les CSC impactaient en priorité les réacteurs les plus jeunes, le parc 1400MW (30 ans), dans une moindre mesure le parc 1300MW et pas le parc 900MW de plus de 40 ans. La cause venait d’un design de tuyauterie différent entre les paliers et non d’un vieillissement prématuré ou de contraintes de répétitions de variations de charge. Le graphique de RTE le montre ci-dessous (2), la production du parc nucléaire est en nette progression depuis la dernière crise de 2022. La dynamique des exploitants nucléaires est en marche.
Néanmoins, compte tenu de la priorité de production donnée aux ENRi, la production nucléaire s’efface tous les jours. Elle n’est donc plus le reflet de la disponibilité du parc nucléaire et de la mobilisation et l’engagement des exploitants nucléaires. Elle est maintenant la conséquence du caprice des Dieux Éole et Hélios qui produisent en totale décorrélation avec la consommation. On ne compte plus les réacteurs pourtant disponibles, maintenus à l’arrêt par décision du gestionnaire de réseau. Politiquement, les dés sont pipés. Les politiques au pouvoir fixent un objectif et en même temps des règles du jeu qui pénalisent son atteinte. Volontaire ou non ? Je prendrai position plus loin.
TES : Venons-en à la deuxième priorité « Fournir une électricité compétitive aux français avec la sortie ARENH ». Cet objectif semble capital pour vous, pourquoi ?
CS. : Même si, durant son audition, Mr Fontana a balayé rapidement l’évocation des inconvénients de l’ARENH, il faut quand même rappeler, ici, ce qu’est l’ARENH. C’est une décision politique prise à partir de 2011 sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, que les autres Présidents, François Hollande et Emmanuel Macron, ont maintenue. L’ARENH 1 puis 2 fixait l’imposition au parc nucléaire d’EDF de céder plus d’un tiers de sa production à prix cassé, en dessous des coûts de production et d’investissement, à des « producteurs » dits alternatifs. Sans rien investir, sans rien produire, sans rien transporter, sans rien distribuer, ces « producteurs » alternatifs revendaient cette électricité par un jeu d’écriture au prix du marché. Le prix de l’électricité étant fixé sur le dernier moyen de production mobilisé par décision politique européenne, généralement le gaz, ces entreprises ont facturé cette électricité jusqu’à 10 fois le prix d’achat. Particulièrement, durant la crise du gaz russe. Le tout, en toute légalité. Royal !
Ce processus n’avait qu’un objectif, à savoir compromettre l’état des finances du groupe EDF par le manque à gagner, pour compromettre, à moyen et long terme, ses capacités d’investissement du nouveau nucléaire. Les politiques verts au pouvoir en France et en Europe ont de la suite dans les idées. Après 14 ans d’ARENH et même avec sa fin, le mal est fait et bien fait. Bravo les artistes ! Ce qui implique le déploiement de la troisième priorité.
TES. : Maitriser les coûts et les délais du programme de relance du nucléaire est la troisième priorité. D’où vient cette précaution ?
CS: Cette priorité s’inscrit dans le retour d’expérience du chantier d’EPR de Flamanville 3. Là aussi, il faut rappeler le contexte politique. Après un black-out politique de plusieurs années qui a contribué à interdire toute construction de réacteurs sur notre sol, les compétences de construction ont été perdues en France. C’était l’objectif. Comme l’a rappelé Mr Fontana, d’autres pays comme la Chine et le Royaume-Uni, moins alignés sur l’idéologie verte antinucléaire allemande, ont contribué à maintenir une partie de ces compétences.
Ensuite, l’État a commandé un prototype EPR et un seul, sans perspective donnée aux industriels pour entamer un investissement humain et financier. En matière de sûreté, ce prototype devait laver plus blanc que blanc. Quatre trains de sauvegarde, alors que les réacteurs existants en ont deux pour assurer la redondance. L’exclusion de rupture des tuyauteries secondaires qui impose des processus de fabrication spécifiques, alors qu’en cas de rupture, la sûreté est gérée par les procédures accidentelles sans aucun rejet à l’extérieur. Et, pour citer un dernier exemple parmi tant d’autres, des milliers de pages de spécifications techniques, le code de la route, que doivent appliquer les exploitants notamment lors du démarrage. Même l’ASNR est d’accord pour simplifier ces complexités administratives, au bénéfice de la sûreté.
Mr Fontana a détaillé cette 3ème priorité.
- Figer les détails de design des EPR2. Dans le contexte que j’ai décrit, il faut revenir au pragmatisme et non aux injonctions des ayatollahs de la sûreté qui ont contribué à complexifier la conception, la construction et le démarrage. C’est une stratégie qui va dans le sens de démontrer l’inefficacité du nucléaire. La complexité va à l’encontre de la sûreté. Il faut revenir à la simplification de conception, de construction et d’exploitation. C’est vital !
- Financement du programme des 6 EPR2 qu’il faudra défendre au niveau européen. C’est un point que j’ai déjà évoqué. Le processus ARENH avait pour objectif de saper l’autonomie d’EDF dans ses capacités d’investissement pour que l’Europe puisse mettre son véto. Il y a deux solutions. Soit l’Europe mettra son véto contre un financement de l’État français, dans un contexte de dette abyssale de l’État. Soit l’Europe fermera les yeux suivant des conditions. Ça fait longtemps que l’Europe lorgne sur nos bijoux de famille, notre parc hydro-électrique, propriété de l’État français, notre patrimoine en quelque sorte. Selon la loi du 16 octobre 1919, tous les 75 ans, l’État renouvelle l’attribution des concessions des ouvrages hydrauliques. L’attribution au privé des concessions de notre parc hydraulique pourrait être le deal que fixerait l’Europe, dans une optique de libre concurrence. Dans cette hypothèse, les entreprises privées intègreraient-elles les contraintes d’exploitation des ouvrages sur le respect de la biodiversité des cours d’eau et sur les usages des agriculteurs entre autres ? Autant de missions de service public et d’intérêt général qu’EDF a assumées jusque-là, dans une entreprise intégrée. L’exploitant privé n’aura-t-il pas intérêt à se recentrer sur l’exploitation électrique et sa rentabilité économique ? Après Fessenheim, ce serait une déclaration de guerre à notre patrimoine industriel, technique et humain et un risque de remise en cause des missions d’intérêt général !
- Prévision d’un second palier de puissance de 13GW de 8 EPR2. Si vous faites le calcul, après l’arrêt du parc nucléaire actuel de 56 réacteurs de 61,4GW, FLA3 et les 6 premiers EPR représenteraient 11GW. Avec 8 autres EPR, on culmine à 24GW. Pour celles et ceux qui connaissent les scénarios de RTE commandités par Mme Pompili, on nous sert sur un plateau le scénario N03 qu’elle qualifiait de scénario avec « beaucoup de nucléaire ». On passerait de 61,4GW à 24GW. C’est ce que j’appelle « un enterrement de première classe. »
Par ailleurs, on ne parle que de réacteurs de 1600MW. Il est facile de comprendre que lorsqu’un matériel tombe en panne sur un réacteur de 1600MW, on se prive de 1600MW. Lorsque ce même matériel tombe en panne sur un réacteur de 900MW, on ne perd que 900MW. C’est mathématique. Il serait bon de revenir à des tailles de réacteurs raisonnables. Et vous l’aurez remarqué comme moi, il n’y a pas d’ambition affichée dans cette feuille de route sur les SMR, les réacteurs modulables de faible puissance. Alors que la France a une expérience riche sur le sujet, avec tous nos sous-marins nucléaires et notre porte-avions Charles-de-Gaulle qui ont chacun leur réacteur REP, à eau sous pression comme nos centrales nucléaires, et de faible puissance. Un manque caractérisé de vision de la part de nos politiques.
Suivant Mr Fontana, que je cite, ces sous-objectifs devront « garantir la réussite industrielle du programme. » Sur ce point, il faudra aussi veiller à ne pas s’associer avec une entreprise allemande comme Siemens qui nous a laissé tomber en plein milieu du chantier de FLA3, compromettant ainsi les délais, supportés par EDF, seul. Il faudra privilégier les partenaires qui veulent investir dans le nucléaire et non pas des soldats à l’idéologie verte.
TES. : La quatrième priorité « Permettre la relance de l’investissement dans le parc hydro-électrique d’EDF », pourquoi cela vous inspire la prudence ?
CS. : À l’évocation de cette priorité, Mr Fontana a parlé d’une ligne rouge, je le cite « la ligne rouge à ne pas franchir est la mise en concurrence des installations. » Parle-t-il de mon hypothèse de remise en cause des concessions du parc hydro-électrique à EDF dans un deal avec l’Europe, dont j’ai parlé plus haut ? Si c’est le cas, c’est rassurant. En fin d’intervention initiale, il a indiqué, je cite que « certaines cessions pourraient être envisagées. » Parlait-il de cessions au privé des concessions du parc hydro-électrique ? Restons vigilants !
Il a évoqué la capacité actuelle de 20GW du parc hydro-électrique dont 14GW mobilisable en moins de 15mn. Il prévoit d’augmenter cette capacité mobilisable rapidement de 4GW en plus. C’est un point positif important qu’il convient de souligner. Particulièrement dans un contexte d’ENRi prioritaires et qui peuvent dépasser les 2/3 de moyens de production couplés. Comme les ENRi ne participent ni au réglage de fréquence ni au réglage de la tension et qui, sur un aléa sur le réseau sont les premiers à déclencher, elles creusent ainsi l’écart entre la consommation et la production jusqu’au black-out, comme on l’a vu dans la péninsule ibérique le 28 avril 2025.
TES. Vous critiquez la cinquième priorité « Mener à bien les projets éoliens en mer »
CS.: « La politique d’EDF repose sur la complémentarité entre les différentes formes d’énergie pour contribuer à la décarbonation et à la souveraineté de notre économie » a souligné Mr Fontana. C’est un point sur lequel on ne peut qu’être d’accord, si les moyens de production sont très bas-carbone et qu’ils n’enrichissent pas d’autres économies. Je pense aux panneaux photovoltaïques, fabriqués en Asie et qui sont acheminés par bateaux au fuel, augmentant ainsi leur impact carbone jusqu’à 55g CO2/kWh suivant l’ADEME, 13 fois plus que le nucléaire. Mais, en même temps, il faudrait une égalité des règles du jeu. Ce qui n’est pas le cas. Les ENRI sont financées par subventions publiques alors que notre parc nucléaire historique a été financé par emprunt d’État qu’EDF a remboursé sur le prix de l’électricité facturé au client, parmi les plus bas d’Europe. On comprend que les dés sont pipés, dans les règles du jeu. Il faut y rajouter que les ENRi ont une durée de vie de 20 ans, à comparer aux 60 ans voire plus pour les réacteurs. Elles ne participent donc pas au même développement durable. Elles n’offrent pas le même service d’adaptation de la production aux besoins du client et le même facteur de charge, ce qui nécessite du stockage, par batteries, entre autres, qui vont piller les ressources terrestres, par définition limitées.
À partir des données de la cour des comptes et de la Commission Européenne, j’avais diffusé un article sur European Scientist dans lequel je comparais les tarifs d’achat du MWh des différents chantiers éoliens offshore français qui étaient tous plus élevés que le tarif d’achat du MWh de FLA3.
Comme le disait Mr Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE, dans sa présentation des différents scénarios « je suis désolé d’insister, mais c’est important que tout le monde entende que tout débat sur le système électrique n’a de sens que si on prend les coûts complets du système électrique et pas les technologies une par une qui ne sont pas comparables entre elles. Elles n’ont pas les mêmes courbes de charge et elles ne servent pas à la même chose et en plus elles ne marchent pas toutes, en même temps ! »
Donc mener à bien les projets éoliens en mer, oui, mais avec des règles du jeu équitables dans les processus de financement et en revenant sur le principe de priorité donnée à la production des ENRi pour une logique industrielle à moyen et long terme plutôt qu’une logique idéologique.
TES.: La sixième priorité « la soutenabilité de la trajectoire financière de l’entreprise » vous évoque-t-elle un commentaire particulier ?
CS.: Ce n’est pas nouveau, comme tout actionnaire, un gouvernement au pouvoir, quel qu’il soit, a intérêt qu’EDF ait de bons résultats financiers, au regard des réversions qu’il perçoit sur les bénéfices du groupe. En 2024, avec un record d’exportations de 89TWh, EDF a largement contribué à la balance positive des échanges commerciaux avec l’Europe, en fournissant, en même temps, une électricité très bas-carbone à nos voisins, notamment allemands qui, de manière récurrente, sont loin du compte dans ce domaine.
TES. : Quelle est votre conclusion sur cette feuille de route et plus généralement sur la transition énergétique dans laquelle elle s’inscrit
CS. : Finalement, cette feuille de route met un terme, nous verrons si c’est définitif, à l’idéologie du 100% renouvelables dit « techniquement possible » de Mme Pompili. Que de temps perdu ! Néanmoins, pour les personnes éclairées, cette première priorité mise sur le nucléaire est un leurre. Après un rapide calcul que j’ai présenté, on assiste bien à une régression définitive de la part des moyens de production pilotables, en même temps plus bas-carbone que les ENRi, seuls capables de garantir 24h/24 le service au public de l’électricité par leur capacité à régler en temps réel les deux paramètres structurants d’un réseau électrique, la fréquence et la tension. Lors du récent black-out total de la péninsule ibérique, la part de plus de 2/3 d’ENRi couplés n’est certainement pas la cause initiale, mais elle explique l’absence de limitation de l’étendue du black-out, par la faible proportion des moyens de production pilotables. Voilà comment on passe d’une mission de garantie de service au public 24h/24 avec une approche industrielle et technique à une approche idéologique.
De même, le contexte politique de ces dernières décennies a contribué à repousser la perspective de remplacement de notre parc nucléaire qui est un avantage énergétique, écologique, économique et géopolitique sur nos voisins européens. L’objectif était de contribuer à forcer les décisions en faveur des énergies renouvelables, sur fond de catastrophisme climatique, en idéalisant leurs apports et, en même temps, en occultant tous leurs inconvénients. Il faut être un lapin de 6 semaines, pour ne pas comprendre la stratégie globale.
Je ne vois rien sur le principe de calcul du prix de l’électricité qui depuis qu’il a changé a contribué à faire exploser la facture des particuliers et des entreprises. Par la difficulté de paiement des factures, l’augmentation du prix contribue à la baisse de la consommation, que le gouvernement maquille en « sobriété » en imaginant la prise de conscience des citoyens aux thèses écolos. L’explosion des prix compromet notre activité économique face aux autres pays comme la Chine par exemple qui ont pris de l’avance dans tous les domaines et dans le nucléaire en particulier, pendant ce temps. La Chine s’est déjà éveillée. Quand on en prendra conscience, on aura un réveil difficile.
En dehors de cette feuille de route, je ne vois rien sur le report des usages carbonés sur l’électricité. Le report massif du transport routier des camions, par exemple sur le ferroutage, l’aide au changement des chaudières au gaz pour des pompes à chaleur électriques, entre autres, permettrait de réduire drastiquement nos émissions de CO2, en même temps, notre facture des produits pétroliers et donc notre balance commerciale avec les pays producteurs de pétrole. Depuis des décennies, nos gouvernants mettent l’accent sur la production d’électricité décarbonée, exclusivement sur les ENRi, sans reporter les usages sur l’électricité bas-carbone dont nous pouvons être fiers depuis 45 ans. L’idéologie verte était manifestement centrée sur l’arrêt du nucléaire très bas-carbone, plus que sur les émissions de CO2. Comme l’a dit Julien Aubert ancien député et président de la Commission d’enquête de 2019 sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique, je cite « il faut d’urgence faire moins de vert et plus d’écologie. » Cette citation date de 2019, nous sommes en 2025. On est en droit de se demander à quoi servent les commissions d’enquêtes parlementaires.
En fin d’intervention préalable, Mr Fontana a rappelé que « le groupe EDF a vocation à rester une entreprise intégrée. » C’est rassurant pour notre parc hydraulique, mais nous devons rester vigilants sur la pression de l’Europe. Il a souligné que « la performance des entreprises repose sur le professionnalisme et l’engagement des salariés. Il s’agit là d’un très grand atout d’EDF avec des équipes professionnelles, engagées et fières. » J’imagine que cela fait du bien d’entendre cela, pour les exploitants nucléaires en exercice qui viennent de traverser les deux crises majeures que j’ai évoquées. Pour mesurer ce que représente l’ampleur de la tâche accomplie en silence, il faut sans aucun doute avoir été soi-même exploitant nucléaire. Après avoir encaissé la fermeture arbitraire de Fessenheim en parfait état de marche en s’appliquant le devoir de réserve, la perspective de relance de la construction de nouveaux réacteurs, même en nombre limité, est une bonne chose. C’est un formidable challenge que les exploitants nucléaires doivent et peuvent relever. Il faut rappeler qu’au siècle dernier, quand les politiques au pouvoir donnaient des moyens et de la perspective aux industriels avec un programme ambitieux, nous, j’étais de ceux-là, avons été capables de construire et démarrer en toute sûreté 58 réacteurs REP (à eau sous pression) et un prototype RNR (à neutrons rapides) en 22 ans. Soit 2,7 réacteurs démarrés par an. Nous l’avons fait, parce qu’on ne nous avait pas dit que c’était impossible (3).
Les politiques au pouvoir en Chine donnent aujourd’hui cette perspective aux industriels. Et leur programme est « en marche. » C’est une question d’ambition politique et de pragmatisme, en laissant de côté les idéologies qui n’ont jamais rien amené de bon à l’humanité.
(1) Intégralité de l’audition de Luc Rémond https://www.youtube.com/watch?v=7gRx0ILli5I&t=2270s
(2) Graphique issu du site de RTE https://analysesetdonnees.rte-france.com/production/nucleaire
(3) 58 réacteurs REP (à eau sous pression) et un prototype RNR (à neutrons rapides) en 22 ans. Soit 2,7 réacteurs démarrés par an.
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Excellent article de C.Semperes et j’ajoute qq précisions :
« figer les détails de design des EPR2 sans complexifications » c’est trop tard le coup est parti depuis longtemps pour engendrer un nouveau monstre certes avec 3 trains et sans double enceinte ; mais par exemple avec un bâtiment commun de traitement des effluents et une partie du BAN dont le volume (210 000m3) est le double du bâtiment réacteur.
Contraintes d’exploitation hydro : peut-on imaginer une vallée dont le barrage sup appartiendrait à X et les centrales aval à Y et Z ? Dans ce cas X ouvrirait les vannes quand bon lui semblerait : donc si ouverture des concessions il y avait, elle ne pourrait s’envisager que par vallées entières !
Projet hydro : chiche ! Dire à Fontana qu’il existe un grand projet de STEP de 1100MW abandonné en 1980 après 700m de galerie d’accès : à REDENAT en Corrèze suffit de bouter les escroleaugistes !
Avenir : les SMR c’est bien beau mais pourquoi pas une seule allusion aux SRX 4ème géné ?
S Delauney
PS = un peu trop gentil avec l’ASN à l’origine de 3 ans de freinage et 3 Mds€ sur FA3
Merci pour votre commentaire.
Trop gentil avec l’ASN ? Sans doute. C’est un réflexe de 40 ans d’exploitation. Même si maintenant à la retraite, je ne suis plus soumis à la loi du silence, le sacro saint « devoir de réserve » est un réflexe.
C Semperes