La collision évitée de justesse entre un satellite européen et américain souligne la nécessite d’instaurer un code de la route spatial.
En début de mois, une collision tout juste évitée entre le satellite Aeolus de l’Agence spatiale Européenne (ESA) et un modèle Starlink 44 (appartenant à la société Space X d’Elon Musk, a posé une question nouvelle : le développement soutenu du trafic spatial va-t-il obliger les pays à mettre en place un « code de la route de l’espace » ? L’ESA, qui dû se charger de l’évitement, a vivement réagi à l’incident, annonçant : « Pour la toute première fois, l’ESA a dû effectuer une manœuvre d’évitement de collision pour protéger l’un de ses satellites d’une collision avec une méga-constellation. Aeolus a allumé ses moteurs et dévié sa course pour éviter un satellite de SpaceX de la constellation Starlink. »
Aujourd’hui, on compte en effet près de 5 000 satellites opérationnels en orbite terrestre, qui tournent à une vitesse de 36 000 km. Et il n’existe aucune règle pour encadrer les différends qui vont inévitablement naitre de leur fait. Selon Holger Krag, responsable des débris spatiaux à l’ESA, SpaceX aurait ainsi refusé de laisser la place le satellite européen, malgré un risque de collision élevé et le fait que l’appareil européen était dans la zone depuis plus longtemps. L’agence d’Elon Musk a pour sa part affirmé qu’un « bug » du système de communication de son satellite, ne lui permettant pas de réagir.
Afin d’éviter ce type d’incidents, il faut des textes législatifs qui imposent une conduite à suivre – l’équivalent spatial d’une priorité à droite, en un sens. Mais cela soulève une difficulté majeure : tout reste à inventer. Et la tâche est plus urgente qu’il n’y parait : SpaceX compte tripler le nombre de satellite actuellement en orbite à lui seul, avec tous les problèmes d’encombrement et de pollution que cela implique. L’ESA estime donc que « l’évitement ‘manuel’ va devenir impossible » et appelle à réfléchir à un véritable règlement pour le trafic spatial.
« Les textes existants, comme le traité des Nations Unies relatif à l’espace extra-atmosphérique de 1967 ou encore la Convention de 1972, traitent bien des conséquences d’un dommage, mais ils ne disent en aucun cas comment agir pour l’éviter », explique Arthur Sauzay, avocat pour le cabinet Allen & Overy et expert des questions spatiales à l’Institut Montaigne. « il y a un vrai besoin de régulation. Mais pour parvenir à un accord international, il faudra être capable de peser face aux Américains », souligne-t-il.
L’agence argue qu’avec « l’augmentation du nombre de satellites en orbite, notamment due aux méga-constellations comprenant plusieurs centaines, voire milliers de satellites, il va devenir indispensable de confier l’exécution des manœuvres d’évitement de collision à une intelligence artificielle ».