
La semaine dernière a été marquée par le vote du Parlement pour refuser la mise en place des ZFE dans les villes. Une ZFE est une zone à faibles émissions. Mais de quelles émissions parlons-nous ? Puisqu’il s’agit des véhicules thermiques, nous parlons des émissions de particules fines issues de la combustion du pétrole et de ses dérivés. En réalité, ce n’est qu’une partie des émissions. Il conviendrait de parler de toutes les émissions de toutes les énergies fossiles, gaz et charbon compris, dans tous les domaines de leur utilisation. Et notamment de la production d’électricité qui représente une part significative des émissions dans le monde, suivant les pays, je vous l’accorde. C’est à ce titre qu’il y a une incohérence de la part de ceux qui prônent l’écologie politique, en mettant l‘écologie au-dessus de tous les autres domaines. Comme le ferait une religion qui place ses principes au-dessus d’une constitution.
Alors oui, il faut réduire les émissions dues à notre utilisation des énergies fossiles pour au moins deux raisons. La première raison concerne la santé publique. Suivant le site santepubliquefrance.fr (1), les particules fines émises par les énergies fossiles provoquent environ 40 000 décès attribuables chaque année aux particules fines (PM2,5) pour la période 2016-2019.
Nota : L’article sur ce sujet paru récemment sur European Scientist (2) indique que le modèle de calcul utilisé par Santé Publique France n’est pas validé.
La seconde raison concerne la lutte contre le réchauffement climatique que légitime notre trop forte dépendance aux énergies fossiles engendrant des émissions de gaz à effet de serre.
Donc oui aux ZFE, a priori. Je ne reviendrai pas sur les arguments des opposants qui prétextaient à une inégalité sociale de la mesure. L’objectif de cet article vise à souligner l’incohérence en matière d’écologie de ceux qui se réclament de l‘écologie politique et de la « cause écolo » dont on trouve des adeptes dans les gouvernements français successifs depuis 13 ans et encore aujourd’hui. D’où le titre de l’article « Les ZFE, le nouvel étendard écolo qui cache le charbon allemand »
Production électrique de l’Allemagne
L’Allemagne est toujours présentée par les adeptes de l’écologie politique comme LA référence à suivre en matière d’écologie et d’émissions. En 2024, l’Allemagne a pourtant émis 18 000 tonnes de CO₂ par heure. Oui par heure ! C’est ce que montre le bilan 2024 des émissions de CO₂ des pays européens de la part de ENTSO-E (voir figure ci-dessous). Ce résultat provient du produit de la puissance instantanée moyenne et de la concentration moyenne de CO₂/kWh de l’Allemagne en 2024. Ce chiffre est à comparer au bilan 2024 de la Pologne qui est souvent présentée comme le pays le plus pollueur d’Europe, alors qu’il n’a émis que 11 000 Tonnes de CO₂ par heure. Si vous cherchez la France sur ce croquis, c’est le nuage de points bleus qui tangente le 0g CO₂/kWh.
Comment expliquer ce chiffre de 18 000 Tonnes par heure de l’Allemagne, alors qu’elle a 4 fois plus d’ENRi installées que la France ? L’Allemagne a procédé à un arrêt progressif de son parc nucléaire qui n’émettait pourtant pas d’émissions de CO₂ pour l’arrêter totalement le 15 avril 2023. En même temps qu’elle faisait pression sur la France pour l’arrêt de de la centrale de Fessenheim en parfait état de marche et sûre d’après l’ASN, l’Allemagne a démarré une centrale à charbon flambant neuve de 1100 MW à Datteln le 30 mai 2020. Même avec beaucoup d’ENRi installées, lorsqu’il n’y a pas de soleil et pas de vent, l’utilisation des centrales à charbon, émettant 1050g CO₂/kWh, contre 4g pour le nucléaire, explique la situation. L’Allemagne n’est pas une ZFE en matière de production d’électricité !
Nous venons d’évoquer les émissions de CO₂ dues à la combustion du charbon et du lignite. Il faut y ajouter la composition des cendres de combustion. Comme l’indique un article de La Tribune (3), les cendres de combustion du charbon contiennent des particules fines, des métaux lourds, des oxydes de soufre (conduisant à des pluies acides), des dioxines (cancérigènes), de l’ammoniac, des goudrons (cancérigènes) etc. Comme les becquerels de Tchernobyl, cette pollution ne s’arrête pas à la frontière et impacte la santé des populations à des centaines voire milliers de kilomètres de leur lieu de production.
Production électrique de la France
En France, la logique a consisté à d’abord réduire la part des énergies fossiles. Certains diront que c’est uniquement pour une question économique. Nous allons voir qu’il y avait une autre raison, une raison éco-logique. Qu’a fait la France, en matière de production d’électricité à la fin du siècle dernier ? La transition énergétique française a été réalisée de 1978 à 1999. Elle a consisté à remplacer la quasi-totalité du parc de production d’électricité d’origine fossile par un parc de 58 réacteurs REP à eau sous pression et un prototype RNR à neutrons rapides qui fermait le cycle combustible des 58 autres. Malgré les croyances tenaces et même devant les ENRi, le nucléaire est, de très loin, le moyen de production électrique qui n’émet pas de particules fines et émet le moins de CO₂, de sa construction jusqu’à son démantèlement, extraction du minerai et gestion des déchets compris, soit 4g CO₂/kWh(4). Ce chiffre a été élaboré conformément aux normes ISO14040 et 44 et suivant la procédure d’élaboration de PricewaterhouseCoopers/Ecobilan, un cabinet de conseil en environnement indépendant.
Venons-en à la raison éco-logique de la transition énergétique française de la fin du siècle dernier. Dans un rapport du groupe ministériel sur l’effet de serre de 1989, Michel Rocard, premier ministre de gauche, écrivait, je le cite, « L’essentiel des gains de CO₂ rendus possibles par la substitution du nucléaire aux combustibles fossiles est aujourd’hui acquis pour notre pays. » et « nos exportations actuelles d’électricité réduisent les émissions de CO₂ de nos voisins. » Dans son texte, « aujourd’hui », c’est 1989 ! Et aujourd’hui, c’est toujours le cas. Les émissions de CO₂ de la production électrique française sont de 6g CO₂/kWh(5) avec un excédent d’exportation d’électricité de 89TWh(6), un record historique. Autrement dit en 2024, la France inonde toujours ses voisins européens, particulièrement l’Allemagne, d’électricité sans émissions, ni de particules fines, ni de CO₂.
L’étrange alignement sur l’Allemagne
Qu’ont fait les gouvernements français successifs et particulièrement depuis 13 ans ? Ils se sont alignés sur la logique allemande consistant à arrêter le nucléaire au profit des ENRi aléatoirement intermittentes. Mme Elisabeth Borne s’est félicitée de l’arrêt de Fessenheim en ces termes « il y a ceux qui en parlent, nous on le fait. » (7) Malgré le discours de Belfort du Président de la République, dans cette lancée, la loi n°1908 du 30/04/2019 prévoit toujours l’arrêt de 12 autres réacteurs. Quel a été le résultat jusqu’ici ? Pourtant arrêtée, la centrale à charbon de Saint-Avold a été réactivée le 28 novembre 2022 (8). Une filiale du groupe Total Énergie a construit et démarré, le 31 mars 2022 à Landivisiau en Bretagne, une centrale au gaz de 446MW et de 480g CO₂/kWh, 120 fois plus que Fessenheim. Un an après, en 2023, elle avait fonctionné 281 jours sur 365 (9). Avec un ennemi commun, le nucléaire, y a-t-il collusion entre les écolos et les gaziers ?
ZFE : un je t’aime moi non plus ?
Alors que la France est une ZFE depuis des décennies en matière de production d’électricité, pourquoi les écolos français et l’état français s’alignent-ils sur l’idéologie allemande ? Pourquoi s’offusquent-ils aujourd’hui du retrait des ZFE des villes françaises et en même temps pourquoi collaborent-ils activement à l’idéologie VERTE allemande qui consiste à fermer les centrales nucléaires au profit des centrales à charbon allemandes. Sans compter leurs mines à ciel ouvert qui, pour étendre leur exploitation, poussent les villages allemands. Même Greta Thunberg avait d’ailleurs manifesté contre leur extension (10) en janvier 2023.
En France, il serait temps de remplacer l’idéo-logique écolo par l’éco-logique. C’est l’esprit de ce que disait Julien Aubert, ancien député et rapporteur de la commission d’enquête sur l’impact économique, industriel et environnemental des ENR, je le cite « Il faut d’urgence faire moins de vert et plus d’écologie. » (11) C’était en 2019. Nous sommes en 2025. À quoi servent les commissions d’enquêtes parlementaires ?
Notes
(2) https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/suppression-des-zfe-combien-de-victimes/#comment-38706
(4) https://www.edf.fr/sites/groupe/files/2024-03/edfgroup2020_methode_elaboration_ges.pdf
(6) https://www.rte-france.com/actualites/france-battu-record-exports-nets-electricite-2024
(11) https://morventencolere.org/julien-aubert-il-faut-durgence-faire-moins-de-vert-et-plus-decologie/
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Cher monsieur, merci pour cet article.
Cependant je ne vous suis pas sur le « Oui aux ZFE ».
Comme vous l’esquissez en préambule, l’écologie semble malheureusement s’être muée en une forme de religion dans le mauvais sens du terme, c’est une « fausse religion ». Dès lors, il devient extrêmement difficile pour la majorité de nos compatriotes de distinguer ce qui relève d’une approche scientifique rigoureuse de ce qui n’est que pure propagande idéologique.
Or, dans le cas précis des Zones à Faibles Émissions (ZFE), de nombreux éléments suggèrent qu’elles sont avant tout une expression de cette idéologie, visant à pénaliser les automobilistes. Ces derniers sont, il est vrai, devenus la bête noire des écologistes. Mais cette détestation ne me semble pas tant motivée par la seule notion de pollution que par celle de la liberté individuelle.
En effet, les écologistes, très majoritairement — voire totalement — orphelins du communisme, semblent ne supporter que très difficilement les outils de liberté personnelle, prônant avant tout le collectivisme. Ce n’est donc pas un hasard si nous voyons fleurir, principalement en France – berceau historique du communisme occidental –, une multitude de lois, de contraintes et de taxes ciblant l’automobile. Pensons par exemple au malus carbone, calculé sur le rejet de CO2, alors même que la science nous indique que ce gaz n’a qu’un effet négligeable sur la variation thermique climatique.
En somme, les ZFE ne sont que la manifestation visible et outrancière d’une profonde détestation de la liberté individuelle. Elles s’appuient habilement sur la peur des particules fines, issues de la combustion des énergies fossiles. Les « adorateurs de Gaïa », bien que minoritaires, déploient tous leurs efforts, n’hésitant pas à user de fausses informations à foison, pour interdire les automobiles. Leur rêve inavoué ? Une société où seuls circuleraient bus, vélos et trottinettes.
Jacques Laurentie
Ingénieur en aéronautique
Autre de Climat de Peur (éditions du Bien commun)