Le 10 avril 2019, l’actualité scientifique a été très chargée : entre l’observation d’un trou noir, la découverte d’une nouvelle espèce humaine et le retour en force de la rougeole aux USA, les news s’enchaînent à un rythme affolant mettant à l’épreuve la science.
L’image ‘de la Vierge’ qui confirme l’hypothèse d’Einstein
Grâce à l’action conjointe de plus de 400 scientifiques du monde entier au travers de l’initiative internationale Event Horizon Telescope, hier les premières images d’un trou noir ont été révélées : « L’image capturée révèle le trou noir au centre de Messier 87, une galaxie massive située dans la constellation de la Vierge. Ce trou noir est situé à 55 millions d’années-lumière de la Terre et a une masse 6,5 milliards de fois supérieure à celle de notre Soleil. »
Comme l’a rappelé hier, Carlos Moedas, le commissaire européen à la recherche, à l’innovation et à la science, « l’histoire de l’humanité hier a connu une percée incroyable » et que « l’histoire des sciences serait désormais divisée en deux parties avec un temps avant et le temps après cette image ». Luciano Rezzolla du Goethe University Frankfurt a, quant à lui, souligné que les travaux avaient consisté dans la reconstitution de dizaines de milliers d’images qui prenaient en compte toutes les possibilités réalistes pour reconstituer un trou noir tel qu’Einstein l’avait imaginé et prédit. Aussi sa remarque à ce sujet est instructive pour notre propos : « Le sens de cette découverte étant qu’on a transformé un concept mathématique (que l’on écrit sur les tableaux noirs) en objet physique, quelque chose qu’on peut tester, qu’on peut mesurer, que l’on peut observer …. C’est le début de la méthode scientifique. Être capable de faire une expérience et de déduire comment fonctionne la nature. »
Les ossements philippins qui supposent une nouvelle espèce d’hommes
Alors qu’une bonne partie de la communauté scientifique avait la tête dans les étoiles, d’autres, eux, creusaient sous terre pour annoncer une découverte non moins passionnante : la découverte d’Homo Luzonensis. Ainsi, des ossements ont été découverts par une équipe pluridisciplinaire internationale (avec le MNHN et le CNRS) lors de fouilles effectuées dans la grotte de Callao, située sur l’île de Luzon, au nord des Philippines.
L’étude a été publiée aujourd’hui dans Nature. Par la découverte et l’analyse des dents, d’une part, et des os des pieds, d’autre part, les scientifiques en ont déduit que « Cette combinaison de caractères tout à fait singulière la différencie nettement des autres représentants du genre Homo, notamment les espèces contemporaines connues en Asie du Sud-Est, telles Homo sapiens et Homo floresiensis. » Cherchant à justifier leur hypothèse, les chercheurs appuient sur le fait que « l’évolution de l’espèce humaine n’est pas linéaire » Aussi, ils s’attendent à ce que cela suscite beaucoup de débats.
Ainsi, l’un des paléontologues, Florent Détroit, pense que certains de ses confrères ne manqueront pas de débattre sur la légitimité de l’annonce d’une nouvelle espèce à partir d’un si petit nombre d’ossements et, en bonne logique scientifique, affirme que « Si dans le futur, des collègues montrent que l’on s’est trompé et que ces restes correspondent à une espèce que l’on connaissait déjà, tant pis, ce n’est pas grave, on oubliera ».
L’épidémie new-yorkaise qui réfute une croyance
Dans les deux news évoquées précédemment, la méthode scientifique est à l’œuvre dans toute sa splendeur : dans le premier cas, les données cumulées par Event Horizon Telescope permettent de donner une preuve suffisante à l’hypothèse qu’avait posée Einstein. Dans le deuxième cas, une découverte permet d’induire l’existence d’une nouvelle espèce d’hominidé.
La troisième news, elle, est beaucoup moins réjouissante pour la science. Il s’agit en effet d’une annonce d’épidémie de rougeole à New York. À la suite de cette recrudescence, le maire de la ville, Bill de Blasio, à décidé aujourd’hui de contraindre les habitants non vaccinés à recevoir le vaccin contre la rougeole sous peine de devoir payer une amende. Cette résurgence est due à la montée en puissance de mouvements anti-vaccination, particulièrement présents dans les communautés religieuses. Certains mouvements anti-vax évoquent le risque d’autisme qui pourrait être causé par les vaccins. Cette information a été dénoncée par les autorités sanitaires. Aussi, on voit au travers de cet exemple, une attitude qui consiste à remettre clairement en question l’autorité scientifique (et l’autorité en général ?). Une croyance s’est installée dans l’opinion. Croyance qui, comme on sait, a été motivée par l’étude Wackefield publiée dans The Lancet, papier qui a été retiré depuis. Or, les 300 nouveaux cas de rougeoles déclarés depuis octobre semblent témoigner de la nécessité de la vaccination.
Le spécialiste de l’autisme Steven Camarata a écrit un texte très instructif à ce sujet intitulé « Les vaccins causent l’autisme, le mensonge qui ne meurt jamais » dans lequel il affirme que les études de Wackefield étaient frauduleuses et parle d’une véritable disproportion entre les quelques cas sur lesquels se basait le docteur qui a perdu sa licence et les millions de données qui prouvent qu’il n’existe aucun lien entre vaccination et autisme ». Le célèbre Steven Pinker a d’ailleurs twitté au sujet de cet article : « Les vaccins sont l’une des meilleures choses que notre espèce ait jamais accomplies. Mais le lien avec l’autisme est le mensonge qui ne meurt jamais. Et maintenant nous avons un « sceptique des vaccins » élu au Congrès.
Vaccines are one of the best things our sorry species has ever accomplished. But the link to autism is The Lie That Never Dies. And now we have a vaccine « skeptic » elected to Congress. | Psychology Today column by Stephen Camarata. https://t.co/uErpPvsiYJ
— Steven Pinker (@sapinker) 22 décembre 2018
Si nos deux premières news montrent que la méthode scientifique est bien éprouvée pour bien décrire la réalité, la troisième news, elle, montre à quel point, la résurgence des croyances dans l’opinion met plus que jamais la science à l’épreuve.
(1) Déclaration faite lors de la conférence de presse donnée à la Commission Européenne de Bruxelles https://www.youtube.com/watch?v=Dr20f19czeE
(2) Camarata affirme : « It is perhaps ironic that this original « vaccines cause autism » lie was based upon only 12 children, but refuting this lie by disproving this fraudulent research required studies that now include literally millions of children. This disproportionality is due, in part, to the scientific problem of “proving a negative.” It is certainly true that science can indeed disprove a falsehood (see the Psychology Today article by Stephen Law, Ph.D.), but the process requires multiple replications with negative findings to prove that vaccines do not cause autism. There are now multiple comprehensive scientific reviews showing that vaccines do not cause autism that combine public health data and scientific studies in the U.S. and data from other countries as well. Despite the overwhelming evidence indicating that vaccines do not cause autism, too many people — including physicians — continue to hold Dr. Green’s misguided point of view ».
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Traduction erronée de :
« And now we have a vaccine « skeptic » elected to Congress. »
en :
« Et maintenant nous avons un vaccin « sceptique » élu au Congrès. »
Plutôt :
« Et maintenant nous avons un « sceptique » des vaccins élu au Congrès. »
Bonjour et merci pour votre lecture attentive et de nous l’avoir signalé ! C’est corrigé. Belle soirée à vous. JPO