Le virus Covid-19 est en passe de réussir là où la campagne pour le Oui au referendum sur le Bréxit avait lamentablement échoué: nous rapprocher de l’Europe.
Depuis que Covid-19 a frappé la Chine, nous savions que notre tour viendrait. Tous les pays d’Europe, y compris le nôtre, se sont préparés à de mauvaises nouvelles, mais tous étaient convaincus qu’ils adopteraient des mesures qui ralentiraient l’infection et la contrôleraient. Dans la première phase de la pandémie, chaque pays européen a consulté ses propres experts et a décidé d’adopter une stratégie absurde consistant à ignorer ce qui s’était avéré efficace ailleurs : un confinement strict et rigoureusement contrôlé, appliqué avec rigueur par la Chine, la Corée du Sud ou Singapour. Les gouvernements européens ont justifié leur inaction en utilisant divers arguments. L’un était que seuls les régimes autoritaires comme la Chine peuvent imposer des mesures aussi strictes ; les Européens épris de démocratie ignoreront les contraintes et se rebelleront contre toute sorte de diktat gouvernemental qui limiterait leurs droits de se réunir, de travailler et de se déplacer. Un autre avertissait du danger très réel de l’effondrement de l’économie si un confinement drastique devait être imposé.
Cela aurait pu sembler très raisonnable si seulement la «raison» avait été aux commandes pour justifier ces décisions. Ce n’était pas le cas. L’argument selon lequel nous ne pouvions pas suivre l’exemple chinois parce que nous ne sommes pas autoritaires ignorait le fait que la Corée du Sud, une démocratie, a réussi à limiter la propagation de l’infection. Ils ont «testé, testé, testé», comme le chef de l’OMS le recommandait ; le port de masques y était presque universel; et ils ont imposé un confinement très rapidement. Alors pourquoi n’avons-nous pas suivi leur exemple.
Une réponse peut-elle être trouvée sur le chemin de la pandémie du Covid-19 alors qu’elle s’étendait d’un pays européen à l’autre ? Les Italiens ont été les premiers à être frappés en Europe. Leur première réaction a été la bonne : de tester et de confiner. Ils ont appliqué cette stratégie à l’une des premières villes d’Europe (Codogno) à être contaminée et cela a marché : l’infection était en passe d’être contrôlée. Malheureusement, le gouvernement italien à ce stade a paniqué, soupesant peut-être les coûts économiques énormes du confinement d’un pays entier : il a donc arrêté les tests et arrêté de confiner, ce qui a conduit à la spectaculaire remontée du nombre de cas. A ce stade, le confinement était de nouveau inévitable.
Les Français, les Espagnols et les Allemands, voyant la situation en Italie se dégrader, n’ont rien fait, le Royaume-Uni non plus. Les Italiens, la sagesse populaire de ces pays nous le dit souvent, sont connus pour leur laisser-faire, leur habitude de changer de gouvernement tous les mois, ont du talent pour la mode mais sont nuls en gestion de crises. Pas étonnant que le virus a déferlé là ! Mais nous, Français, Espagnols, Allemands, Britanniques sommes différents ! Plus organisés, plus rationnels. Gérons cela à notre façon, en laissant la science guider nos décisions ! Les stéréotypes nationaux trompeurs, injustes, infondés ont la vie dure !
Mais bien sûr, les chercheurs étaient eux-mêmes divisés. Certains ont prêché le renforcement de l’immunité collective au sein de la population, d’autres élaborant des modèles prédisant des résultats catastrophiques si rien n’était fait. Mais, peu importe les chercheurs, l’important était d’apprendre le moins possible de l’expérience des autres pays. Pourquoi devrions-nous apprendre de la Chine, un État autoritaire, ou de l’Italie, un État faible ! La France et l’Allemagne, qui avaient une semaine ou deux de retard sur l’Italie et auraient pu étouffer l’infection dans l’œuf, ont décidé de ne rien faire. En fait, ils décidaient de mettre l’économie avant la santé publique, laissant l’infection se déchaîner. L’Espagne emboîta le pas.
Maintenant, nous nous tournons vers le Royaume-Uni, le dernier domino dans la réaction en chaîne pandémique en Europe. Le Royaume-Uni, peut-être parce que c’est une île ou peut-être parce que les gens sont un peu plus réservés en ce qui concerne le contact physique direct, a eu 3 bonnes semaines pour évaluer soigneusement ce qui marche et ce qui ne marche pas. En avons-nous profité ? La réponse est un «NON» retentissant. Le gouvernement britannique au contraire décida de suivre sa propre voie, la voie britannique. Nous avions l’exemple chinois (autoritaire mais efficace), l’italien (catastrophique), le français (plutôt mauvais), et celui des allemands (plutôt positif) et des espagnols (catastrophique). Mais, qu’importe ! Accompagné de ses conseillers scientifiques et médicaux, Johnson est apparu sur scène et a déclaré que nous allions renforcer «l’immunité collective». Mais en quelques jours, et face à des protestations massives (y compris la mienne), il a rapidement changé de cap et a déclaré que nous devions limiter les mouvements des personnes et le droit de réunion. Mais il ne mit en vigueur aucune mesure. De plus, il refusa de fermer les écoles. Mais, quelques jours après, sous la pression de l’opinion publique, il décida finalement de les fermer, les écoles, mais ne fermât pas les pubs. Puis, dans une nouvelle virevolte, il ferma les pubs, mais il nous conseilla de sortir dehors, prendre l’air. Lorsque des milliers de personnes suivirent ses conseils et se rassemblèrent dans les parcs, sur les plages et dans les lieux touristiques le week-end dernier, il nous menaça d’un confinement strict imposé par la police et l’armée. Le lendemain, la menace devenait loi! Mais nous sommes toujours autorisés à nous rendre au travail dans des trains bondés où le virus peut continuer de se déchaîner à sa guise. On peut s’attendre à ce que cela change bientôt ! Ce gouvernement navigue à vue ! Alors que nous pensions suivre «notre propre voie», nous avons, en fait, suivi exactement la même voie que toutes les autres nations européennes: d’abord ne rien faire, puis paniquer. Et cela n’est pas si surprenant : nous sommes, après tout, plus semblables aux Français, aux Italiens, aux Espagnols et aux Allemands que nous ne voulons l’admettre, ce que nous, les Britanniques, avons eu tendance à oublier. En fait, nous sommes tous des Européens.
En ce qui concerne le public britannique, nous pensions aussi que nous étions différents. Sûrement, nous pouvons faire mieux que ces Européens continentaux et faire face stoïquement à la tempête ! Après tout, nous avons gouverné un empire et remporté la deuxième guerre mondiale. Le blitz est une référence qui devrait nous inspirer, le genre de combativité qui nous a permis de traverser des crises bien pires. Par contre, nous ne nous attendions pas aux pénuries de rouleaux de toilette. On nous avait conseillé de ne pas les stocker, mais nous l’avons fait. On nous a dit de rester à la maison, mais avant qu’on y soit strictement obligé, nous avons continué à nous promener. On nous a dit de ne pas voyager à l’étranger, mais nous avons continué de prendre l’avion jusqu’au dernier moment. Face à une telle crise, nous pensions que nous, Britanniques, pouvions faire mieux mais notre comportement est resté le même.
Le fait est que nous avons fini par gérer (ou mal gérer) la crise de Covid-19 de manière très similaire, «la voie Européenne», car il y a bien plus de choses qui nous unissent qu’il y en a qui nous divisent. Nous étions réticents à confiner nos pays trop tôt car, en tant qu’Européens, nous apprécions la liberté et ce n’est qu’à contrecœur que nous acceptons de la restreindre. Ce n’est que lorsque la situation devient vraiment difficile que nous pouvons commencer à envisager une interdiction temporaire de ce que nous chérissons le plus, nos libertés. Nous sommes également réticents à faire des sacrifices économiques. C’est parce que, pendant la période d’après-guerre, nous avons bâti une économie dont la plupart d’entre nous a profité. Nous étions naturellement réticents à encaisser le coût économique que le confinement devait entraîner. Maintenant que le coût humain de la crise excède son coût économique, nous sommes prêts à accepter de voir notre niveau de vie baisser, à condition que le gouvernement nous renfloue, ce que tous les gouvernements européens ont maintenant accepté de faire. Nous, Européens, avons aussi ceci en commun : une protection sociale dans l’ensemble plutôt généreuse. Quant au stockage de rouleaux de toilettes, nous sommes tout simplement… des êtres humains, dominés par l’instinct du chacun pour soi ! Ce que cette crise démontre c’est que nous sommes tous Européens, avec nos qualités et nos défauts, mais avec des similitudes remarquables. Dans ce contexte, est-il totalement impensable de reconsidérer notre sortie de l’Union Européenne ?
This post is also available in: EN (EN)