EuropeanScientist avec cette tribune du professeur Aleksander Nawrat inaugure son tour d’Europe du financement de la recherche. Nous voulons donner la parole aux différents décideurs pour qu’ils nous exposent leurs visions et les politiques respectives de leurs pays par rapport aux problématiques de recherche et développement. N’hésitez-pas à nous faire suivre vos contributions. Cette publication est le fruit dune collaboration avec la revue polonaise des leaders d’opinion Wszystko Co Najważniejsze.
Nous avons ici en Pologne des chercheurs courageux, des innovateurs qui de façon décomplexée peuvent participer à la course aux bourses et brevets, aux côtés de leurs homologues des États-Unis ou d’Europe occidentale. Ils font partie des équipes interdisciplinaires créées au NCBR – écrit le professeur Aleksander Nawrat.
Les débuts présentent, le plus souvent, une allure optimiste : un groupe de scientifiques ou de jeunes entrepreneurs trouve une idée géniale et est plein d’enthousiasme de commencer les travaux sur le projet. Parfois, le groupe parvient à obtenir un financement extérieur, il crée peut-être même un démonstrateur de technologies pour se trouver quelque temps après confronté au problème que pose l’acquisition de nouveaux fonds pour le développement. La société veut entrer sur le marché, veut commercialiser les résultats de ses travaux, mais l’argent dont elle disposait est parti pour les travaux de recherche et de développement.
Dans l’économie, ce moment dans le cycle d’une entreprise est appelé « vallée de la mort ». Ceux qui arrivent à s’en sortir sains et saufs mettent leurs business à l’échelle, perfectionnent leurs produits, conquièrent de nouveaux marchés. Mais cela se fait dans la douleur même pour les projets business les plus prometteurs.
Cela a poussé le Centre national des Recherches et du Développement à développer des mécanismes permettant non seulement de trouver de vraies entreprises-diamants et de les soutenir à un stade très précoce de leur activité, mais également de cofinancer leur développement en mettant à profit le capital privé et les mécanismes du marché.
Notre programme BRIdge Alfa est destiné aux entreprises qui se trouvent au stade embryonnaire, quand le risque d’échec des investissements est le plus grand mais quand on peut encore le vérifier à un coût relativement bas. Les véhicules d’investissement qui voient le jour grâce au soutien du NCBR donnent l’opportunité aux créateurs d’innovations d’obtenir non seulement un financement, mais aussi une protection dans leur business. StartVenture@Poland qui a soutenu financièrement les travaux de scientifiques polonais sur le sang artificiel en est un bon exemple : NanoSanguis et NanoThea, formant aujourd’hui NanoGroup SA, ont pu bénéficier d’une somme de 1,6 million de zlotys. En décembre 2017, la société a fait son entrée à la Bourse de Varsovie et à l’ouverture le cours de ses actions a augmenté de plus de 5%.
Traverser la « vallée de la mort » est un succès qui permet de… se mesurer à un nouveau challenge : « la mer de Darwin » dans laquelle les petits poissons blancs et rouges se font dévorer par des requins, gros et, souvent, internationaux. Durant cette étape, de nombreux entrepreneurs jeunes et inexpérimentés décident de vendre leurs idées, souvent à des prix disproportionnellement bas. Pour pallier ces situations, le NCBR, en tant qu’une des premières institutions en Pologne, a commencé à introduire des programmes dont les objectifs visent à construire un marché de fonds venture capital qui concentrent leur activité sur les projets R+D. Les fonds Corporate Venture Capital et TDJ Pitango Ventures que nous avons instaurés en 2017 sont des avancées majeures dans le développement du marché VC en Pologne.
Les succès commerciaux, surtout ceux derrière lesquels se cachent, conjointement, chercheurs, entrepreneurs et institutions publiques sont dignes d’être rappelés. Tel, par exemple, le fusil Grot, basé sur des solutions modulaires, mis en œuvre par l’Université technologique militaire de Varsovie (WAT) et l’usine d’armement de Radom. Le NCBR a financé les travaux R+D sur les solutions novatrices des démonstrateurs des technologies de cette arme. L’année dernière, le Ministère de la Défense a décidé de munir l’armée polonaise des Grot C 16 FB-M1. La valeur de la commande prévoyant la livraison de 53 000 fusils s’élève à 500 millions de zlotys. Et de tels exemples seraient à multiplier : dans l’industrie de l’armement, de l’aviation ou celui des cosmétiques. Des détecteurs d’infrarouges conçus et produits par des Polonais travaillent à bord du rover Curiosity, dans le cadre de la mission Mars Science Laboratory. VIGO System, l’entreprise polonaise qui se cache derrière cet exploit – qui a bénéficié d’un financement de la part du NCBR – a aujourd’hui le statut de fournisseur officiel de la NASA.
L’écosystème de soutien aux innovations que nous avons élaboré est efficace. Car le rôle de l’administration publique est de stimuler et de soutenir les actions des milieux scientifique, économique et financier. De leur activité et leur aptitude à se fixer des objectifs ambitieux dépend l’avenir du pays.
Nous avons ici en Pologne des chercheurs courageux, des innovateurs qui de façon décomplexée peuvent participer à la course aux bourses et brevets, aux côtés de leurs homologues des États-Unis ou d’Europe occidentale. Ils font partie des équipes interdisciplinaires créées au NCBR.
Pourquoi donc les chercheurs polonais tendent-ils si rarement la main pour obtenir un financement qui leur est destiné ? En 2017, seuls trois projets polonais ont obtenu une bourse du Conseil européen de la recherche. À titre de comparaison : les scientifiques de Grande-Bretagne – les leaders absolus de ce classement – en ont obtenu plus de 170. Les Polonais ont un grand potentiel qui reste inexploité. Le docteur habilité Piotr Sankowski, membre du Conseil du NCBR, est le lauréat de trois bourses du CER : ERC Starting Independent Researcher Grant, ERC Proof of Concept Grant et ERC Consolidator Grant. Un exemple exceptionnel, mais unique. Pourquoi la liste des noms polonais dans ces projets est-elle si courte ?
Les changements proposés par le Ministère de la Science et de l’Enseignement supérieur vont permettre de libérer le potentiel des scientifiques polonais : deux lois sur l’innovation ainsi qu’une Constitution pour la science. Ces documents offriront aux université la possibilité de commercialiser plus facilement les résultats de leurs recherches, de fonder leurs propres sociétés (ce qu’on appelle des spin-off) ou de nouer des coopérations avec le business.
Quand je vois les succès de certaines entreprises polonaises, je suis non seulement très admiratif mais aussi très fier. Beaucoup d’entre elles sont partenaires ou bénéficiaires du Centre national des Recherches et du Développement. L’année dernière, nous avons lancé 64 concours. Nous avons accompagné 3702 projets pour lesquels le total des financements s’élève à 18,5 milliards de zlotys. Ces chiffres montrent la dimension de notre engagement. En mettant en œuvre ses programmes, le NCBR fait également la promotion de l’esprit d’entreprise. La créativité liée aux connaissances et à l’expérience apporte les meilleurs résultats.
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