Il y a quelques années de cela je m’étais amusé à faire une petite étude sur la manière dont les internautes parlaient du principe de précaution sur Internet. Aussi, j’avais effectué une comparaison en trois langues, Français, Anglais, Allemand. En saisissant « Principe de précaution » respectivement dans google.fr , google.co.uk et google.de j’étais tombé sur les résultats suivants : plus de 650000 occurrences pour « Principe de précaution », environ « 400.000 » pour « precautionary principle » et enfin un nombre de moins de 30.000 pour « Vorsorgenprinzip ». J’en avais déduit à l’époque que les internautes d’origine francophone se préoccupaient davantage de cette notion que leurs voisins. Mais les différences étaient d’autant plus impressionnantes que google.co.uk doit prendre dans son épuisette tous les sites de langue anglaise, soit un nombre de sources potentiellement bien plus considérables que les sites francophones. Il est vrai qu’à l’époque la France était encore échaudée par l’introduction du principe de précaution dans la constitution…. Rappelons au passage que c’est le seul pays au monde à avoir donné un statut régalien à cette notion qui à l’origine a été pensé par le Philosophe allemand Hans Jonas dans les années 1970. En effet, c’est en février 2005 que le Parlement s’était réuni en Congrès afin d’inscrire le principe de précaution au niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes juridiques et lui donner cette définition « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » Il est tout à fait compréhensible qu’à l’époque le nombre d’articles de presse, ainsi que la littérature portant sur le sujet en langue francophone a dû dépasser de loin toutes les autres.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Sur la première marche du podium, on trouve Precautionary Principle avec 1.120.000 dans google.co.uk , ensuite 452.000 pour Principe de précaution dans google.fr et enfin le Vorsorgenprinzip avec seulement 163.000 résultats. Il semblerait donc que le sujet ait fini par investir pleinement le web anglo-saxon, pendant qu’il s’est un peu tassé en France, et que le volume des résultats ait moyennement augmenté en Allemand. Que peut-on tirer de ces observations empiriques ? Beaucoup de conjectures, mais une vraie certitude : une notion qu’on considérerait volontiers comme étant universelle n’a pas le même retentissement partout, y compris au sein de pays très proches culturellement. Il nous faut donc creuser un peu pour savoir ce qui attire les internautes quand ils lancent des requêtes pour s’informer sur ce principe. Pour cela il existe un outil fantastique, c’est le fameux « Google Suggest », cet algorithme qui recense les principales requêtes des internautes. On voit alors que les internautes francophones lancent des recherches telles que « Principe de précaution santé » ou encore « Principe de précaution OGM ». Alors que les internautes anglo-saxons ont recherché sur « precautionary principle ecology » et « precautionary principle climate change ». Les internautes germanisants quant à eux s’intéressent à des sujets tels que « vorsorgeprinzip wärmepumpe », « vorsorgeprinzip umweltrecht » ou encore « vorsorgeprinzip sozialversicherung » …. Bien évidemment ces requêtes ont sans doute pour origine le fait que ces notions qui ont fait la une des médias ont été traitées avec l’angle du principe en question. Curieusement on constatera qu’il est une requête fréquente qui revient également dans les trois langues, c’est celle de l’Union Européenne. Mais loin de nous l’idée d’en déduire que les internautes européens veulent appliquer le principe de précaution à Bruxelles 😉 Sans tomber dans le relativisme, tout simplement soyons conscients que les préoccupations varient en fonction des pays, comme nous venons de le voir. On pourrait d’ailleurs trouver d’autres exemples. C’est le cas par exemple avec la notion « d’Antennes relais », qui apparait avec une suggestion « santé » dans google.fr, alors que celle-ci n’apparait pas en Anglais ou en Allemand, par exemple.
On voit tout l’intérêt d’un site comme the European Scientist qui, en regroupant une communauté d’internautes parlant une des trois langues (en attendant de pouvoir en rajouter d’autres) permettra de confronter des points de vue différents sur des sujets commun. On devrait alors voir les divergences poindre dans les commentaires laissés. Ce qui sera un problème pour les uns ne le sera pas pour les autres et vice-versa. Une excellente manière d’apprendre à se connaître.
This post is also available in: EN (EN)