Après des décennies d’absence, le thon rouge fait son grand retour dans les eaux européennes. Une bonne nouvelle pour nos pêcheries, qui n’est toutefois pas nécessairement synonyme d’une augmentation de la population globale de l’espèce.
Le thon rouge de l’Atlantique (Thunnus thynnus) avait disparu des eaux européennes – nommément de la Manche et de la mer du Nord – depuis près de 50 ans. L’espèce serait en train de progressivement réinvestir ces eaux, un phénomène observé « depuis cinq/six ans » d’après Tristan Rouyer, en charge du dossier à l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (Ifremer). Il s’agit bien là d’« une tendance qui se confirme », note-t-il.
Pour beaucoup, ce retour est le résultat du plan de reconstitution de l’espèce adopté en urgence en 2007, pour mettre un terme à des années de surpêche. Et il est certain que la diminution drastique des quotas de pêche [les quantités de prises instaurées sur une année] associée à des contrôles plus fréquents dans les bateaux et sur les marchés a en effet eu un effet positif sur la population de ces grands prédateurs aquatiques.
Tristan Rouyer explique pour sa part que « l’abondance générale de thons a augmenté ces dernières années. Donc, ils explorent des zones où ils ont des chances de trouver beaucoup de nourriture (…) C’est pour ça qu’ils remontent jusqu’en Norvège où il y a des stocks d’alimentation énormes ». Pour l’heure cependant, les quotas n’ont pas été augmentés. Et ce à cause d’un éclairage plus en détail, qui explique le grand retour du thon rouge dans ces mers un temps délaissées.
Dans Science Advances du 2 janvier, le biologiste marin Robin Faillettaz avance en effet que ce retour est dû aux cycles climatiques de l’océan, entre 1891 et 2011. Pour le chercheur et son équipe, il s’agirait d’une redistribution géographique de l’espèce, qui ferait son retour dans des eaux qui lui sont de nouveau favorables, à cause d’un phénomène d’oscillation naturelle des températures océaniques de surface (ou AMO).
« Tantôt, la transition est brutale, tantôt elle est plus progressive, complète Robin Faillettaz. Et les différences de température entre une phase chaude et une phase froide de l’AMO sont légèrement inférieures à 1°C. » Pour le chercheur, sa découverte «ne remet pas en cause le constat d’une augmentation aujourd’hui de l’abondance du thon rouge », mais « sa présence en Europe du Nord ne traduit pas pour autant une augmentation de l’abondance totale des thons rouges de l’Atlantique. »
« Au début des années 1960 déjà, les pêcheries de mer du nord s’étaient quasiment effondrées d’une année sur l’autre des suites d’une raréfaction soudaine des thons rouges dans la zone, raconte Robin Faillettaz. Le stock de poissons était sans doute déjà surexploité, mais ce facteur ne pouvait pas expliquer à lui seul cette disparition brutale de la mer du Nord. A vrai dire, personne n’était capable de l’expliquer clairement. »