Le premier point dont il faut prendre conscience est que le phénomène épidémique est constitué par une « série d’évènements dont chacun déclenche le suivant » : or ceci est la définition exacte de la « réaction en chaîne« , celle précisément que l’on met en œuvre dans l’industrie électronucléaire et qui est sujette à emballement si l’on en perd le contrôle. C’est donc une question tout à fait sérieuse qu’il convient de traiter avec le plus grand soin.
Une fonction exponentielle
En milieu hospitalier, on appelle R0 le nombre moyen de personnes auxquelles un individu contaminé aura transmis le virus durant toute la période durant laquelle il est contagieux. Et l’on sait bien que l’on perd le contrôle de l’épidémie dès que R0 > 1. En effet, si ceux à qui le premier contaminé a transmis le virus adoptent, en moyenne, le même comportement, alors après la 2ème transmission le nombre de personnes affectées sera R02, et ainsi de suite…
Après la nième transmission le nombre de personnes affectées sera f(n) = R0n : c’est la fonction exponentielle qui est croissante si R0 > 1, décroissante si R0 < 1, et qui possède la caractéristique de croître d’autant plus vertigineusement que R0 est grand et de décroître d’autant plus rapidement que R0 est proche de 0.
S’inspirer du modèle nucléaire
Or, depuis plus d’un demi-siècle, l’homme s’est montré capable de contrôler une telle réaction en chaîne dans les centrales nucléaires où le temps de réaction se mesure en nanosecondes : s’il s’y prend convenablement, ne devrait-il donc pas être capable de maîtriser la réaction en chaîne du processus épidémique où le temps de réaction se mesure en jours ?
La maîtrise du processus épidémique implique donc de réaliser les conditions permettant d’obtenir R0 le plus petit possible et en tous cas inférieur à 1 : cela signifie empêcher toute personne contaminée de rencontrer d’autres personnes, c’est-à-dire isoler les personnes contaminées pendant toute la période où elles sont contagieuses, soit pendant 14 jours d’après les médecins.
Zones de déconfinements
La grande difficulté du déconfinement réside dans le fait que, ayant laissé des personnes contaminées propager le virus en de multiples endroits du territoire national durant plus de deux mois, sans procéder à aucun compartimentage, on a été finalement contraint de mettre en place des procédures d’isolement affectant, d’ailleurs de façons diverses, l’ensemble de la population du pays. Il faut donc maintenant ne redonner la liberté de mouvement à la population, zones par zones progressivement, qu’à partir du moment où l’on est sûr que ces zones ne comportent plus aucune personne contaminée, et cela en prenant les dispositions permettant de garantir que les échanges de personnes et de biens entre ces zones et l’extérieur n’y introduisent pas à nouveau le virus. C’est le principe de base dont le respect rigoureux peut seul garantir un déconfinement réussi, et cela de surcroît dans les délais les plus courts. Ainsi, le déconfinement doit se faire d’abord par zones géographiques et non par secteurs d’activités.
La première disposition, essentielle, consiste à établir et tenir à jour une carte de France figurant les différentes zones de peuplement industriel et urbain (les ZPIU d’antan remises à jour) en y portant les nouveaux cas de contamination apparus chaque jour.
Toutes les ZPIU présentant un faible nombre de cas nouveaux ont vocation à être « déconfinées » assez rapidement, disons 14 jours après que la mise en place du contrôle des échanges avec l’extérieur aura permis d’y garantir l’absence de toute personne contaminée en dehors de celles qui sont soignées dans les hôpitaux ou hébergées dans les EHPAD. Toutes les activités économiques pourront alors y reprendre leur cours normal à proportion des échanges possibles et contrôlés avec l’extérieur.
Les autres ZPIU, généralement les plus importantes, notamment la région Île-de-France, devront être redécoupées plus finement (suivant les limites de départements, d’arrondissements, de cantons ou de communes) de manière à y définir de nouvelles zones ayant vocation à être déconfinées dans un deuxième temps, en suivant la même procédure que ci-dessus (absence de nouveau cas durant 14 jours après mise en place du contrôle des échanges avec les zones encore confinées). Et ainsi de suite.
C’est ainsi que, de proche en proche, on pourra procéder au déconfinement de la totalité du territoire national, sans prendre le risque d’une deuxième vague de contamination.
Remarques complémentaires
- Tant que le virus n’aura pas été éliminé de la totalité du territoire national, il sera prudent d’imposer le port du masque par l’ensemble de la population dans le domaine public, notamment dans les transports en commun, quitte à ce que les masques soient « faits maison » (masques « grand public »). En particulier, le masque devrait être exigé pour tout visiteur d’EHPAD.
- De même, tant que le virus n’aura pas été éliminé de la totalité du territoire national, il sera prudent de restreindre la liberté de mouvement des personnes âgées (disons, plus de 65 ou 70 ans), ce qui permettrait de protéger leur santé sans nuire au fonctionnement de l’appareil économique.
- Pendant toute la durée du déconfinement, les échanges de personnes et de biens devraient être contrôlés (quarantaine de 14 jours) sur toutes les frontières nationales. Ces contrôles ne devraient cesser : sur les frontières européennes (compartimentage européen) qu’après que le virus aura été éliminé de toute l’Europe ; et sur les autres frontières qu’après que le virus aura été éliminé du monde entier.
En vérité, la procédure de déconfinement doit être le retour, dans l’ordre inverse, de celle qui devrait être mise en œuvre immédiatement dès l’annonce d’un risque d’épidémie.
Lire également le texte de l’auteur sur Peut-on maîtriser une épidémie ?