Dans les colonnes d’European scientist, nous constations que la Commission européenne avait publié le 5 juillet 2023 une proposition d’évolution de la réglementation européenne sur les NGT pratiquant le « en-même temps » [1], au terme d’une procédure réglementaire longue et complexe. Enclenchée en 2019, celle-ci est en voie d’achèvement en janvier 2024 avec un texte qui doit être débattu le 24 janvier au Parlement européen.
Comme nous l’avons indiqué précédemment dans nos ouvrages « Enjeux biotechnologiques » [2] et « Biotech Challenges » [3], l’Union européenne est à la croisée des chemins biotechnologiques. Saura-t-elle résister aux sirènes collapsologiques de la mouvance des activistes de l’écologie politique et des députés européens Les Verts/ALE ? [4]
De quel côté va tomber la pièce ?
Pour finaliser la démarche de révision de la réglementation, une consultation publique citoyenne a eu lieu à la fin de l’été 2023 ainsi que de nombreuses réunions des Ministres de l’Agriculture et de commissions diverses, la présidence de l’Union européenne par l’Espagne au deuxième semestre 2023 ayant été très active sur ce sujet. Enfin le Parlement européen est appelé à se prononcer à la fin janvier sous la présidence belge de l’Union.
La Commission européenne distingue deux catégories de plantes obtenues par les techniques NGT : les NGT-1 et NGT-2.
Les NGT-1 regroupent « les plantes issues de NTG qui pourraient également être obtenues naturellement ou par des techniques traditionnelles de sélection » [5]. Elles ne doivent comporter que des modifications mineures répertoriées dans une annexe du règlement. Elles seront soumises à une procédure de vérification et traitées comme des plantes issues de techniques traditionnelles de sélection. En effet, elles ne sont pas distinguables biologiquement des unes des autres et seule une déclaration administrative peut les différencier. Il est donc logique que soit proposé qu’elles soient étiquetées de la même manière que les plantes issues de techniques traditionnelles de sélection. Les autres plantes qui n’entrent pas cette catégorie, les NGT-2, resteront soumises à la réglementation actuelle sur les OGM.
J’ai indiqué précédemment toutes les réserves que m’inspiraient cette catégorisation des plantes issues de NGT et l’abandon en rase campagne par l’Union européenne des améliorations génétiques appliquées aux animaux (au contraire de pays comme les Etats-Unis ou la Chine) [1]. Mais suivant la morale de la fable de La Fontaine Le Petit Poisson et le Pêcheur, « un tien vaut mieux que deux tu l’auras », les semenciers européens s’accommodent des propositions faites par la Commission européenne de deux catégories de plantes NGT-1 et NGT-2.
Les éternels opposants au progrès biotechnologique, eux, Greenpeace en tête [6], crient aux « OGM cachés » et demandent que soit appliqué aux produits issus de NGT, la directive 2001/18 les classant comme OGM, comme l’avait fait l’arrêt de la Cour de Justice européenne du 25 juillet 2018 [7].
Un appel de 20 scientifiques de France en faveur des « nouveaux OGM bio »
En octobre 2023, une tribune signée par 20 chercheurs exerçant en France et publiée par le journal Le Monde [8] relevait les « mensonges » de cette campagne des contempteurs des biotechnologies et soulignait que « paradoxalement, ces nouvelles variétés seront plus adaptées aux pratiques de l’agriculture raisonnée ou de l’agriculture biologique que celles utilisées jusque-là et dépendantes des produits phytosanitaires ». Elle indiquait qu’« Imposer sans raison une réglementation trop contraignante serait la garantie que ces avancées ne profitent qu’à un très petit nombre d’entreprises capables d’assumer le coût de l’homologation (une dizaine de millions d’euros), comme c’est le cas actuellement pour les plantes transgéniques».
Un appel de 35 prix Nobel et plus de 1000 scientifiques pour se tourner « vers la lumière de la prospérité et du progrès »
Plus récemment, le 19 janvier 2024, ce sont 35 lauréats du prix Nobel en figure de proue et plus de 1000 scientifiques qui ont signé un appel adressé aux parlementaires européens [9] dans lequel ils les exhortent de « rejeter les ténèbres de l’alarmisme antiscientifique et se tourner vers la lumière de la prospérité et du progrès » et « de prendre en considération l’ensemble de preuves scientifiques solides qui soutiennent les NGT », et aussi « de prendre vos décisions dans l’intérêt de l’Union européenne et de ses citoyens ». Seront-ils entendus ? De quel côté tombera la pièce, le 24 janvier ?
[1] Regnault-Roger C (2023) NGT : La Commission européenne pratique le « En même temps » European Scientist, 11.07.23 https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/ngt-la-commission-europeenne-pratique-le-en-meme-temps/
[2] Regnault-Roger C (2022) Enjeux biotechnologiques, des OGM à l’édition du génome, Presses des Mines, Paris, 204 pages https://www.pressesdesmines.com/produit/enjeux-biotechnologiques/
[3] Regnault-Roger C (2024) Biotech Challenges, Springer Nature, Cham (CHE), 157 pages https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-031-38237-6
[4] Les Greens/EFA (2022) Gardons les OGM hors de nos champs et de nos assiettes https://act.greens-efa.eu/fr/gardons-les-ogm-hors-de-nos-assiettes
[5] « Proposition de règlement du parlement européen et du conseil concernant les végétaux obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques et les denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés, et modifiant le règlement (UE) 2017/625 », Commission européenne, 5 juillet 2023. https://food.ec.europa.eu/system/files/2023-09/gmo_biotech_ngt_proposal_2023-411_fr.pdf
[6] Ces nouveaux OGM, issus de NGT, qui pourraient s’introduire dans nos assiettes », Greenpeace, sur le site de l’association (consulté le 20 janvier 2024). https://www.greenpeace.fr/les-nbt-fausses-solutions-vrais-ogm
[7] Cour de justice de l’Union européenne 2018, communiqué de presse n° 111/18 Luxembourg, le 25 juillet 2018, www.curia.europa.eu (consulté le 20 janvier 2024)
[8] « Nouveaux OGM : « Effrayer le public en prétendant que ces plantes vont faire augmenter les intrants chimiques est un mensonge », Appel de scientifiques publié dans le journal Le Monde, 30 octobre 2023. https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/30/nouveaux-ogm-effrayer-le-public-en-pretendant-que-ces-plantes-vont-faire-augmenter-les-intrants-chimiques-est-un-mensonge_6197354_3232.html
[9] « Open Letter”, We Planet, sur le site weplanet.org, consulté le 20 janvier 2024. https://www.weplanet.org/ngtopenletter
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