
Mardi 17 juin, l’Assemblée nationale a adopté, le projet de loi de « simplification », qui comporte une mesure supprimant les zones à faibles émissions (ZFE). Ce projet excluait certaines voitures afin de lutter contre la pollution de l’air. Le texte en question doit encore être examiné par une commission mixte paritaire. Le sujet a fait couler beaucoup d’encre et il soulève plusieurs problèmes de politique scientifique. Notamment celui de savoir qui entre les pro et les anti-ZFE instrumentalise la science.
Pour cela, il nous faut revenir sur une déclaration faite par la Ministre de la santé Agnès Pannier Runacher début avril à l’Assemblée : « Plus de 40 000 morts prématurées chaque année. 30 000 enfants asthmatiques supplémentaires. Des mois d’espérance de vie en moins pour nous tous. Nos compatriotes les plus précaires en première ligne. C’est le bilan des conséquences de la pollution de l’air sur notre santé. Et face à cela, les zones à faibles émissions sont un des outils mis à disposition des grandes agglomérations pour agir. »
Des propos qui lui ont valu d’être sous le feu des critiques de l’essayiste Alexandre Jardin et de ses Gueux, mais aussi d’autres élus et notamment, de David Lisnard, le maire de Cannes et président des maires de France, qui a parlé « d’une mesure technocratique qui a été conçue sans évaluation sérieuse ». Runacher s’est défendue en parlant d’eux comme « des populistes qui racontaient n’importe-quoi. »
Qui utilise donc la science pour imposer son discours politique ?
40000 morts : un modèle non validé ?
Le chiffre de 40000 morts, qui provient d’un rapport publié en 2021 par Santé Publique France, ne résulte pas d’une étude statistique, où les auteurs auraient croisé la carte des concentrations de PM2.5 (les particules les plus nocives) dans l’air avec la carte de la mortalité en France. Les auteurs ont simplement appliqué un calcul très simple à partir de la carte des concentrations, en attribuant aux particules fines un effet sur la mortalité qui avait été observé dans d’autres études antérieures, avec un risque relatif de 1.15, c’est-à-dire une augmentation de 15% de la mortalité quand la concentration de PM2.5 augmente de 10 microgrammes/m3.
C’est un fait que rappelle dans une longue analyse l’Académicien Philippe Stoop. Après avoir rappelé que ce chiffre n’a jamais fait l’objet d’un débat et même, au contraire, qu’il suscite un très large consensus politique (même au dehors des cercles écologistes), iI insiste sur la légitimité qu’il y a de rechercher un lien entre cette exposition chronique à la pollution de l’air et la mortalité. Pour autant, il convient de s’interroger sur le chiffre astronomique. Ce même modèle, avec le même risque relatif, avait déjà été utilisé dans un rapport de 2016 qui parlait de 48000 morts. Ce qui avait permis à l’époque à notre ingénieur d’interpeler le lecteur avec ce titre surréaliste « Pollution de l’air : 38 000 morts par an dans le monde, dont 48 000 en France. »
D’une part, ce risque relatif de 15% est le double des résultats des méta-analyses internationales, qui trouvent plutôt un risque relatif de 7%. SPF justifie ses 15% par le fait qu’ils viendraient d’une de ses études antérieures, réalisée en France et publiée en 2015. Mais les auteurs se sont bien gardés de préciser qu’ils avaient observé ce risque relatif de 15% au début de l’étude, quand le réseau de capteurs de PM2.5 était encore très lacunaire, mais que le corrélation entre PM2.5 et mortalité avait disparu sur la période 2007 à 2013, quand le réseau a été complété. S’ils avaient retenu dans leur étude les résultats de 2007-2013, a priori les plus fiables, puisque obtenus sur l’aire géographique la plus large, le nombre de victimes calculé par leur modèle aurait été de … 0 !
Selon notre expert, il est impossible de prendre pour argent comptant un modèle basé sur une étude aussi incohérente. Pour lever les doutes, il y aurait pourtant un moyen tout simple : « A aucun moment dans ses rapports, SPF ne compare les résultats de son modèle avec les chiffres réels de la mortalité. Or c’est bien cette comparaison entre données modélisées et données observées que l’on appelle la validation d’un modèle. En clair, le modèle de SPF n’est donc pas validé (ou, s’il l’a été, sa validation n’a pas été publiée) ! » C’est la principale leçon à retenir de l’analyse en question qui est riche d’autres interrogations.
La science des législateurs et son néo-scientisme
Au travers de cet exemple, on retrouve bien la tendance observée chez les politiques qu’ils ont de récupérer la science en s’appuyant sur des modèles pour justifier des lois souvent discrétionnaires. Cette science des législateurs tend à abuser de la formule « La Science a dit » pour imposer ses idées… Les décideurs ont très bien compris qu’il suffisait de prononcer cette formule magique pour tétaniser l’adversaire. Les protagonistes de l’écologie politique en sont friands, elle est un outil précieux pour imposer les mesures d’écologie punitive.
Or tout d’abord, les modèles ne sont pas la réalité et peuvent même être trompeurs par rapport à celle-ci ; comme le rappelle Stoop, s’appuyant sur la citation du statisticien Georges Box : « tous les modèles sont faux, certains sont utiles ». Un autre exemple typique est celui des modèles de Neil Ferguson de l’Imperium College, dont les prédictions systématiquement catastrophistes ont donné lieu à des directives sanitaires désastreuses à plusieurs reprises .
Ensuite, les décideurs qui privilégient la science des législateurs pour gouverner le font au dépens de la « science des ingénieurs » qui, elle, trouve des solutions innovantes. On préfère interdire l’automobile plutôt que de continuer de faire confiance aux industriels pour réduire les émissions, et ce, bien qu’ils aient fait leurs preuves comme le démontre, par exemple, les chiffres de l’EPA qui constate une diminution des émissions des principaux polluants atmosphériques de 1970 à 2020. Ceux-ci sont passées d’environ 300 millions de tonnes en 1970 à moins de 50 millions de tonnes en 2020, montrant une réduction significative malgré l’augmentation de l’utilisation des combustibles fossiles.
Pour revenir aux ZFE, malgré les déclarations de la Ministre sur la nécessité de trouver des solutions pour les automobilistes, force est de constater que seule l’interdiction a été envisagée. Vouloir s’appuyer sur un modèle pour proférer un interdit est bien une forme de néo-scientisme. Ceci évoque l’exercice de pensée de Bjorn Lomborg : des politiques consultent les scientifiques afin qu’ils trouvent une solution pour éliminer tous les accidents de la route. Ceux-ci proposent alors de limiter la vitesse à 5 kilomètres heure. Aucun élu n’aura jamais le courage d’appliquer cette mesure absurde et autoritaire. Comment sortir de cette impasse ?
Privilégier la libre responsabilité
Dans De Gaia à l’IA, mon nouvel ouvrage, je cherche le principe fondateur d’une bonne politique scientifique. La libre responsabilité apparaît comme la clé de voûte de l’art de trouver un bon équilibre entre la science des ingénieurs et celle des législateurs. Le cas de figure des ZFE nous met face à ce genre de problématique : comment optimiser nos libertés sans sacrifier nos responsabilités. En ne misant que sur l’interdiction de certains véhicules cette loi remet en cause la liberté de circuler des citoyens. Or pour déterminer s’il s’agit de la bonne politique, il convient de répondre à trois questions :
- Une question épistémologique, tout d’abord : « le modèle sur lequel on s’appuie pour décréter une loi aligne-t-il suffisamment de preuves ? » On a vu que le « modèle SPF » ne s’appuyait que sur un choix arbitraire des modélisateurs à partir de publications contradictoires et de fait était insuffisant.
- Une question utilitariste, ensuite : « est-on certain de l’efficacité des mesures sacrificielles liées aux privations de liberté de conduire ? » Rien ne prouve que cette loi, à elle seule, aurait pu donner les résultats attendus; ce d’autant plus qu’il existe d’autre types de pollutions atmosphériques.
- La dernière question est de nature philosophique : « l’humanité est-elle prête à se laisser dompter par des politiques dirigistes motivées, le plus souvent, par l’écologisme ? » Le mouvement des gueux mobilisé par Alexandre Jardin semble démontrer le contraire.
Une fois que l’on a dit cela, on n’a résolu qu’une partie du problème. On a listé les arguments pour empêcher les politiques de nous priver de nos libertés en instrumentalisant la science ; il nous reste à trouver la solution qui permet d’adopter une attitude responsable à l’égard de la pollution atmosphérique. L’électrification des transports apparait sans doute comme l’une des meilleures options, mais elle doit se faire de manière raisonnée et au bon rythme, en s’appuyant sur les innovations du marché et non pas être issue d’une planification politique abrupte et qui rebute les citoyens en appauvrissant ceux-ci et les mettant dans des situations impossibles. Mais le problème dépasse largement celui des transports urbains. Elle concerne toutes les formes de pollutions atmosphériques notamment la production d’énergie.
Comme le remarque Christian Semperes, un autre expert, la France avec son nucléaire et ses centrales hydrauliques est déjà une ZFE ; or l’idéologie verte se vautre dans la contradiction, car tout en se plaignant de la fin des ZFE, elle veut copier le modèle allemand de l’Energiewende qui est générateur de pollution atmosphérique. A quoi cela sert-il d’interdire les automobiles pour préserver l’air, si par ailleurs on est obligé de rallumer des centrales à charbon ?
En attendant de trouver la solution ultime, exerçons notre responsabilité en évitant les mauvaises idées de l’écologie politique, créons des ZFI : zones à faible idéologie, cela permettra de garder les idées claires sur les politiques qui instrumentalisent la science.
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Nous avons une loi dite de 1905 qui éloigne de l’état les idéologies religieuses en « isme ». Elle ne protège pas la démocratie des idéologies non theistes capitalisme, marxisme, nationalisme, communautarisme, écologisme, wokisme etc. Pour s’en convaincre il suffit de regarder la représentation nationale à l’Assemblée nationale.
Oui, la France a besoin de créer une ZFI un vaste Zone à Faible Ideologie ! La démocratie est en danger à l’extrême gauche et a l’extrême droite en même temps.