Le Comité national de l’agriculture biologique français est pris dans un débat sur le chauffage des serres – pratique compatible ou contraire à l’idéologie bio ?
Est-il possible de chauffer des serres pour produire bio ? Si la pratique est autorisée par le règlement européen sur l’agriculture biologique, elle est dans le collimateur de deux organisations, la Fédération National d’Agriculture Biologique (Fnab) et Synabio, qui ont porté la question au Comité national de l’agriculture biologique français (Cnab) en avril dernier. Et depuis, les deux camps (pros et antis) peine à trouver un consensus.
« Une tomate produite en France sous serre chauffé est responsable de 4 fois plus de gaz à effet de serre qu’une tomate importée de l’Espagne et 8 fois plus qu’une tomate produite en France en saison » notent les deux organisations. « Certains acteurs économiques croient pouvoir profiter de la forte demande en fruits et légumes bio sans changer leur modèle. Pourtant le chauffage des serres implique une spécialisation des cultures qui appauvrit les sols, dès lors incompatible avec la démarche agronomique défendue par le modèle biologique » ajoutent-elles.
« On ne peut pas calquer un modèle productiviste conventionnel sur une logique biologique qui suppose d’accepter une baisse des rendements et des contraintes de production plus fortes dont la saisonnalité fait partie. Si les nouveaux acteurs se positionnent au mépris de cette logique, ils détruiront ce que nous avons mis 40 ans à construire », déplore pour sa part Sylvie Corpart, agricultrice bio représentant la Fnab au Cnab.
Un argument qu’entend Olivier Nasles, président de Cnab. Celui-ci rappelle toutefois que l’interdiction formelle de cette pratique est loin de faire l’unanimité au sein de son organisation. En outre, le débat n’ayant pour l’instant pas lieu dans les autres états membres, une interdiction placerait le secteur français dans une situation de déficit concurrentiel sur un marché commun à couteaux tirés.
Pour le président de Légumes de France, Jacques Rouchaussé, interdire le bio sous serre chauffée reviendrait à « se tirer une balle dans le pied ». « On fait des tomates bio sous serres chauffées en Allemagne, en Belgique ou encore aux Pays-Bas. Si on l’interdit en France, cela reviendra encore à surtransposer des règles européennes, et à renforcer la concurrence déloyale qui pèse sur les producteurs français ». Aussi, le vote a été reporté à juillet 2019.
« Plus la décision d’interdiction est reportée, plus de nouveaux projets sortent de terre et plus ça sera difficile de revenir en arrière, il faut agir maintenant », explique Jean-Marc Lévêque, le président du Synabio.