
« Eh bien soit, disons‑le tout de suite, sans cette langue de bois si compatible avec le pouvoir : votre facture d’électricité risque de doubler. Encore. Loin des campagnes défigurées, des villages où l’on travaille dur pour nourrir le pays, des ports esquintés, une poignée d’idéologues et d’affairistes a trouvé chez des politiciens les relais pour imposer leur rêve : une société alimentée par le vent et le soleil. Utopie verte bobo, financée à coups de milliards… par qui ? Les gueux, bien sûr. » écrit Alexandre Jardin dans Le Figaro (1), essayiste et fondateur du mouvement les gueux. Des mots qui résonnent avec le débat parlementaire à venir au sujet de la PPE3. Mais la flambée des tarifs de l’électricité n’est pas nouvelle. En effet, c’est en Octobre 2007 que s’est tenu en France le Grenelle de l’environnement : une de ses recommandations fortes a été de développer rapidement dans notre pays les électricités dites renouvelables, éolienne et photovoltaïque, à l’image de ce qu’avait déjà entrepris l’Allemagne. Depuis la facture n’a cessé de grimper et voici pourquoi.
Sous pression de l’Energiewende
En conséquence la puissance installée totale en ces électricités, alors de 2,5 GW était mi-2024 de 45 GW. Elle va continuer à croître rapidement si les projets de notre gouvernement, tels qu’ils ressortent de la troisième Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3) dont une première mouture a été soumise à consultation du public (2), puis le sera à l’Assemblée Nationale, se concrétisent. Rien que pour l’éolien en mer, il s’agirait de 17 GW supplémentaires d’ici 2035. Et les ambitions affichées par les promoteurs de celui-ci sont à terme plus lointain de 45 GW installés le long des côtes françaises, soit l’équivalent de 94 parcs de la puissance du parc de Saint-Nazaire, inauguré en 2022.
De fin 2007 à mi-2024, le prix moyen de l’électricité pour les ménages français a augmenté selon Eurostat de 112 euros à 277,6 euros par MWh consommé, soit une multiplication par 2,47, bien supérieure aux effets de l’inflation qui n’a été pendant ce temps que de 32%.
Or cette phénoménale augmentation du prix de l’électricité est due précisément à ce fort développement de l’éolien et du solaire PV depuis 2007. On constate en effet en France, et plus généralement en Europe, une évidente corrélation entre ce prix et la puissance installée en éolien et solaire PV par habitant (figure 1).

Les prix les plus élevés sont donc observés dans les pays où le développement de l’éolien et du solaire PV a été le plus fort par habitant, l’Allemagne et le Danemark. Cependant ils sont dans ces deux pays inférieurs à ce qu’ils devraient être si la courbe de tendance avait conservé sa pente aux valeurs plus faibles. C’est parce que, craignant les réactions de leurs opinions, ils ont fait supporter de manière croissante les augmentations des coûts de production de l’électricité par d’autres postes que les factures d’électricité, impôts et taxes sur d’autres énergies en particulier. La France a commencé à en faire autant à partir de 2017.
Suivant cette corrélation, un triplement de la capacité déjà installée en 2024 dans notre pays, ce qui est semble-t-il la politique actuelle de notre gouvernement, conduirait peu ou prou à un doublement du prix actuel de l’électricité pour les ménages, hors inflation, sauf à en faire supporter de plus en plus la charge sur d’autres postes que les factures d’électricité, comme c’est le cas depuis 2017.
Intermittence, acheminement et détérioration des moyens pilotables
-1-L’intermittence et le caractère aléatoire de ces électricités les rendent inutilisables en sortie de parc éolien ou solaire non seulement parce que le profil de la puissance qu’elles produisent ne correspond jamais à celui de la puissance appelée par les consommateurs (figure 2), mais aussi parce que, dépendante de la météo et non de la volonté humaine, cette puissance ne peut pas être modulée par un opérateur (elle est dite non-pilotable) pour mettre en accord production et consommation.
Or sur le réseau électrique la puissance de la production d’électricité doit être à tous moments égale à celle de sa consommation à 1% près sous peine de black-out. Leur utilisation impose donc de les associer via le réseau électrique soit à des installations de stockage-déstockage d’électricité qui permettent d’équilibrer production et consommation ( mais ce ne peut-être que marginalement en l’état de la technologie), soit, ce qui est actuellement l’écrasante majorité des cas, à des centrales dites pilotables de production d’électricité (centrales nucléaires, hydroélectriques, à charbon ou à gaz) qui permettent à un opérateur d’ajuster en permanence sur le réseau électrique à 1% près la puissance de la production totale de ce mix électrique (électricité intermittente non pilotable plus électricité pilotable) à celle de la consommation pour éviter les blackouts. Ce qui conduit à un double et donc plus coûteux investissement en puissance pour produire une même quantité d’électricité. Il en serait de même si l’on arrivait un jour à créer des installations de stockage-déstockage de capacités suffisantes, car ces installations auraient un coût très élevé. Le meilleur candidat actuel pour cela, le stockage d’hydrogène produit par électrolyse de l’eau avec de l’ électricité intermittente puis déstocké pour produire à l’aide d’une pile à combustible ou d’une centrale à hydrogène de l’électricité pilotable à la demande ( = power-to-power, P2P) du fait de sa très faible efficacité, 25 % environ, entraînerait de plus une multiplication par quatre de l’investissement en puissance d’éoliennes et de panneaux solaires nécessaire pour produire la même quantité d’électricité.
2- L’implantation dispersée des parcs sur le territoire, à terre comme en mer, entraîne un développement démesuré et très coûteux des réseaux d’acheminement de l’électricité. Plus de cent milliards d’euros devraient être dépensés rien que pour accompagner la réalisation des parcs éoliens et solaires prévus par la PPE 3.
3 les diminutions de production qu’elles imposent aux centrales pilotables qui nécessairement les assistent dégradent la rentabilité de celles-ci, parce qu’elles produisent moins alors qu’elles ont les mêmes charges fixes (salaires, maintenance…) et aussi, à cause des incessants changements de régime qu’elles doivent ainsi subir, diminuent leur rendement énergétique, les fragilisent et accélère leur vieillissement. Ce qui est particulièrement préoccupant pour le nucléaire.
La preuve par la production et la demande

On observe dans la figure ci-dessus la très grande variabilité de la puissance délivrée par l’éolien, avec de nombreux jours de puissance très faible dus à l’absence quasi-totale de vent sur l’ensemble de la France, en particulier 5 jours de suite à la fin de ce mois. Les effondrements de la puissance délivrée, parfois jusqu’à quelques % de la puissance installée, mais aussi ses pics, ont lieu très souvent de manière synchrone à l’échelle de l’Europe de l’Ouest car ils sont dus à des phénomènes météorologiques, anticyclones (vents faibles) ou dépressions (vents forts) qui sont à cette échelle. On observe aussi la très grande variabilité de la puissance délivrée par le solaire photovoltaïque, du fait de l’alternance jour-nuit mais aussi de la variation diurne de la puissance solaire et de la nébulosité. Le facteur de charge mensuel, c’est-à-dire le rapport de la quantité totale d’électricité produite pendant le mois à celle qui aurait pu être produite si les installations avaient pu fonctionner en continu à leur puissance installée est ici de 18,2 % pour l’éolien et de 10,2 % pour le solaire. En tiretés rouges la puissance moyenne délivrée pendant cette période, 6 759 MW , pour une puissance installée totale ( éolien+solaire) de 45 633 MW, soit un facteur de charge variant ce mois-là entre un minimum de 1,5 % et un maximum de 44 % pour une moyenne de 14,8%.
Le profil de la puissance consommée est caractéristique des habitudes moyennes des consommateurs d’électricité français. Le minimum de consommation a lieu au milieu de la nuit. La consommation augmente ensuite très rapidement jusqu’à midi et passe alors par un premier pic. Un deuxième pic a lieu vers 19 heures, et est suivi d’un pic secondaire vers 21 heures. Les week-ends se caractérisent par des consommations sensiblement moins élevées. La puissance moyenne consommée ce mois-là était d’environ 45 000 MW (tiretés verts), 6,7 fois plus que la puissance moyenne totale produite par l’éolien et le photovoltaïque.
On a procédé ici à une diminution d’échelle par 6,7 de cette consommation, de façon à ce que la consommation moyenne (tiretés verts) puisse être visuellement de même grandeur que la production moyenne d’éolien + solaire PV (tiretés rouges). Ce qui permet de comparer visuellement les profils de la consommation française et de la production d’éolien + solaire PV dans l’hypothèse où la consommation aurait été ce mois-là entièrement assurée par de l’éolien et du solaire PV. On constate qu’alors production de ceux-ci et consommation ne coïncident jamais et que les écarts entre les deux sont la plupart du temps très considérables
Cela implique, comme expliqué ci-dessus, qu’éolien et solaire PV sont inutilisables sans un mixage avec de l’électricité produite par des centrales pilotables qui ajustent en permanence à 1 % près, pour éviter le blackout, la production totale de ce mix (éolien + solaire PV non pilotable + électricité pilotable) avec la consommation, mais aussi que leur part dans ce mix ne peut être que globalement minoritaire en moyenne annuelle.
Pour mettre en accord production et consommation, on pourrait en théorie stocker l’électricité éolienne et l’électricité photovoltaïque quand elles sont produites en excès de la consommation pour les restituer quand elles sont en défaut. Mais aucune méthode de stockage n’est actuellement en mesure d’assurer le stockage de telles quantités d’électricité, malgré une recherche intensive sur ce thème depuis des dizaines d’années.
Ajouter des éoliennes aux éoliennes et les panneaux solaires aux panneaux solaires ne changera rien car nous ne pouvons pas commander au vent et au soleil. Ce serait de plus une source de difficultés croissantes dans la gestion du réseau électrique.
Subventions, perturbations et autres externalités négatives
4-Leur caractère structurellement non rentable entraîne qu’elles doivent être en permanence subventionnées d’une manière ou d’une autre (3)
5- leur développement pose du fait de leur intermittence des problèmes croissants à la stabilité du réseau électrique et RTE doit déjà réaliser de très coûteux miracles pour en maintenir l’équilibre. En Espagne vient de se produire le 28 Avril 2025 un gigantesque blackout parce que son gouvernement y a fait croître démesurément la puissance installée en éolien et en solaire PV en négligeant de l’accompagner corrélativement d’un développement de la puissance disponible à tous moments en pilotable. C’est un avertissement pour toute l’Europe.
Ces électricités sont dites renouvelables, mais il s’agit là d’un abus de langage porteur d’une tromperie, car si l’énergie du vent et celle du soleil peuvent être considérées comme telles, ces électricités ne le sont en fait pas plus que les matériaux et les énergies utilisés pour construire les éoliennes et les panneaux solaires.
…Elles sont en France inutiles pour la défense du climat car notre électricité est déjà très décarbonée, beaucoup plus que celle des autres pays d’Europe, à l’exception de la Norvège, qui fonctionne à l’hydroélectricité, et de la Suède et de la Suisse qui comme nous fonctionnent principalement à l‘hydroélectricité (dont elles sont mieux dotées que nous) et au nucléaire. De plus l’électricité qu’elles remplacent sont en ACV*moins carbonées qu’elles.
…Elles sont parfaitement inutiles pour produire de l’électricité car celle-ci pourrait être, à consommation égale, tout aussi bien produite en leur absence et à bien moindre coût de production du mix électrique par les centrales pilotables qui nécessairement les assistent. Et cela, s’il s’agit comme en France surtout de centrales nucléaires et hydroélectriques, en émettant en analyse du cycle de vie (ACV)*moins de gaz carbonique par kWh produit et donc en dégradant moins le climat.
… Elles ne permettent pas de produire d’électricité supplémentaire car la quantité d’électricité qu’elles produisent impose, à consommation d’électricité égale, une diminution équivalente de la quantité produite par les centrales pilotables qui les assistent. Il s’agit là d’un jeu à somme constante. De ce fait, la publicité classique des promoteurs de ces énergies qui consiste à dire que tel parc éolien ou solaire PV permettra de produire l’électricité consommée par des centaines de milliers de ménages est parfaitement mensongère, puisqu’en réalité, ces ménages ne disposeront pas de leur fait de plus d’électricité. (et la paieront plus cher !)
…Elles ne permettent pas de fermer de réacteurs nucléaires puisque toute la puissance de ceux-ci doit rester à tous moments disponible pour faire face aux périodes sans vent et sans soleil, et suffisante pour faire face à la pointe annuelle de consommation d’électricité qui a lieu en hiver, où ces périodes sont fréquentes. Pour fermer des réacteurs nucléaires, il faut les remplacer à puissance égale par d’autres centrales pilotables, qui ne peuvent guère être que des centrales à charbon ou à gaz comme en utilise l’Allemagne, et donc dégrader considérablement le bilan carbone de notre production d’électricité en le rapprochant de celui, mauvais, de l’électricité produite dans ce pays.
A cause du développement incessant des électricités intermittentes, éolienne et solaire photovoltaïque, l’électricité devient dans notre pays un produit de luxe et nos industries ont de plus en plus de mal à affronter la concurrence internationale, dans le silence assourdissant de la plupart de nos élus, de nos dirigeants et de nos médias si prompts pourtant à défendre en paroles le pouvoir d’achat des Français. Les sommes folles ainsi gaspillées inutilement, de l’ordre de 400 milliards d’euros pour les dix ans à venir si les projets actuels de notre gouvernement, tels qu’exposés dans le projet de troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3), sont réalisés iront pour l’essentiel aux constructeurs allemands et danois et de plus en plus chinois et aux « investisseurs » internationaux qui constituent ce qu’on appelle maintenant le capitalisme vert. Nos dirigeants, plutôt que d’arrêter ce développement inutile et ruineux, dangereux pour la stabilité de notre réseau électrique, de plus néfaste pour l’environnement, préfèrent masquer l’augmentation structurelle considérable du coût de production de notre électricité qui en résulte en utilisant de plus en plus le budget de l’Etat pour les subventionner, ce qui revient à augmenter les impôts et les taxes, entre autres sur les carburants, pour limiter celle des factures d’électricité. Ce serait à l’honneur de nos élus et de nos médias d’interpeller très vite nos dirigeants afin qu’ils stoppent immédiatement cette très inquiétante dérive avant que tout cela ne vire au cauchemar ?
*L’analyse du cycle de vie (ACV) est une méthode d’évaluation normalisée (ISO 14040 et 14044) permettant de réaliser un bilan environnemental multicritère et multi-étape d’un système (produit, service, entreprise ou procédé) sur l’ensemble de son cycle de vie. Son but est de connaître et pouvoir comparer les impacts environnementaux , ici les émissions de CO2 par kWh d’électricité produite, d’un système tout au long de son cycle de vie, de l’extraction des matières premières nécessaires à sa fabrication à son traitement en fin de vie (mise en décharge, recyclage…), en passant par ses phases d’usage, d’entretien et de transport.
(2) https://concertation-strategie-energie-climat.gouv.fr/les-grands-enjeux-de-la-ppe-3
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