
La 3ème Programmation Pluriannuelle pour L’Energie et la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) viennent d’être annoncées par le gouvernement. Philippe Charlez, expert en questions énergétiques répond à nos questions
TES : Pouvez-vous nous résumer ces deux plans par leurs chiffres marquants
PC : La 3ème Programmation Pluriannuelle pour L’Energie et la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) sont calquées sur le « fit for 55% » imposé par le Pacte Vert Européen. Elles imposent sur la prochaine décennie des trajectoires de réduction de la consommation d’énergie (-2,8% par an) et des émissions de gaz à effet de serre (-4% par an jusqu’en 2030, puis -7% par an jusqu’en 2035) en rupture totale avec les historiques observés depuis le début du siècle. Pour satisfaire ces trajectoires, la PPE3 propose surtout d’accentuer la mise en œuvre des énergies renouvelables intermittentes à un rythme totalement insoutenable en rajoutant plus de 100 GW de solaire et d’éolien en dix ans. Ce rythme est d’autant plus questionnable que l’électrification des usages (bâti/mobilité/industrie) se fait à un rythme beaucoup plus lent qu’initialement prévu. Ces énormes puissances projetées risquent donc de ne pas rencontrer la demande d’électricité escomptée.
TES : Selon vous ces deux plans signent l’impossibilité de réindustrialiser la France, au contraire, celle-ci va continuer de se désindustrialiser.
PC : Les trajectoires énergie et GES sont quasiment en ligne avec celles prônées par l’association décroissantiste Negawatt proche… de La France Insoumise. Elles apparaissent d’autant plus hasardeuses que les baisses historiques de ces 25 dernières années se sont principalement concentrées sur l’industrie manufacturière dont la part dans le PIB français est passé de 15% à moins de 10%. En revanche, le bâti et la mobilité ont vu leurs chiffres stagner. Les trajectoires imposées par la PPE3 et la SNBC ne feront qu’accentuer cette tendance totalement incompatible avec toute volonté de réindustrialisation et de réarmement.
A cela j’ajouterai que plus de 70% des équipements seront importés principalement d’Extrême Orient. Les investissements s’avéreront donc peu productifs et faiblement générateurs d’emploi.
TES : Les montants engagés atteignent des sommets tout cela pour de piètres résultats.
PC : En 2023, les dépenses bas carbone (bâti, mobilité et secteur énergétique) ont atteint en France 109 milliards d’euros (soit 3,8% du PIB) dont un tiers en subventions publiques. En valeur cumulée depuis 2017, la France a injecté près de 600 milliards d’euros dans la transition écologique. Le rapport Pisani-Ferry estimait en 2023 que pour satisfaire le « fit for 55% » il faudrait porter cette somme à 170 G€ annuel. Cette valeur a été encore revue à la hausse en 2024 par le dernier SPAFTE (Stratégie Pluriannuelle des Financements de la Transition Écologique) estimant à 200 milliards d’euros les investissements bas-carbone nécessaires (soit 6,8% PIB). L’Institut de l’Economie pour le Climat alerte quant au coût insoutenable de cette décarbonation à marche forcée pour les ménages français. Ce constat débouche sur une conclusion implacable : la transition énergétique demeure beaucoup trop coûteuse pour les classes populaires et moyennes. Selon France Stratégies, la décarbonation ne se réalisera qu’au prix d’une forte augmentation de la dette (+25% à l’horizon 2040), du déficit de la balance commerciale et de l’accroissement de la fiscalité. A moyen terme, il en résultera un accroissement significatif des prix à la consommation imposant la sobriété surtout aux plus démunis.
L’accélération de la décarbonation européenne en général, et française en particulier n’auront qu’une incidence marginale sur la baisse des émissions mondiales et aucun impact sur le climat. En imposant la PPE3, le gouvernement est en train de suicider la France sur l’autel de la vertu.