
Berlin s’est engagée définir les modalités de la sortie du charbon avant la fin de l’année. Un projet ambitieux qui pourrait toutefois souffrir de la volonté politique allemande de sortir du nucléaire à l’échéance 2022.
Après le nucléaire, le charbon. Le gouvernement d’Angela Merkel a enfin nommé une « commission charbon », qui sera chargée de mettre en ouvre l’abandon de ce combustible fossile très polluant, encore largement utilisé dans la production d’électricité en Allemagne. Elle sera composée d’une vingtaine de membres dont des représentants de collectivités, des acteurs du secteur énergétique, des syndicats et des ONG. Une bonne nouvelle pour les avocats d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Oui et non.
Si Berlin avait été prompte à abandonner le nucléaire, elle avait en revanche trainé des pieds ces dernières années sur la question du charbon. Cela serait dû, d’après Cécile de Maisonneuve, présidente du think tank La Fabrique de la Cité, à une véritable et ancienne défiance envers le nucléaire, « notamment parce qu’en Allemagne, le nucléaire civil est perçu comme associé au militaire ». Mais en choisissant de sortir totalement du nucléaire, Angela Merkel faisait le choix de recourir au charbon comme énergie de transition – ce qui lui a valu des railleries de l’autre côté du Rhin.
Le début de la transition énergétique allemande (Energiewende) n’a pas été stellaire. Jean-Marc Jancovici, consultant en énergie-climat pour Carbone 4, soulignait à ce propos que « l’Allemagne n’a pas diminué de manière notable la facture de ses importations d’énergie, ni diminué ses émissions de CO2, a fragilisé son réseau électrique et il n’est pas certain que cela ait permis de créer des champions industriels pérennes ». D’autres pronostiquaient même que l’arrêt du nucléaire provoquerait une explosion de l’usage du charbon – une contradiction environnementale, donc.
Cinq ans plus tard, cependant, Berlin semble être en train de retourner la situation. En 2010, le nucléaire représentait 27 % du mix énergétique allemand, contre 43 % pour le charbon (25 % pour le lignite, 18 % pour la houille). En 2012, quelques mois après la décision de sortir du nucléaire provoquée par la catastrophe de Fukushima, l’énergie atomique tombait à 21 % et le charbon passait 45 %. Cinq ans plus tard, le nucléaire ne représente plus que 13 % de la production d’électricité, mais la part du charbon a elle aussi légèrement diminué, pour atteindre 37 % – une tendance encourageante.
Pour atteindre ses objectifs de décarbonisation à 2030, l’Allemagne doit toutefois encore faire de très importants efforts (réduire de 60% ses émissions par rapport au niveau de 1990). Cela nécessitera un abandon total du charbon – une transition à marche forcée difficilement réalisable. C’est que qu’on immédiatement souligné les représentants du secteur minier de la commission, qui soulignaient que « les populations des régions minières n’ont pas besoin d’une sortie accélérée du charbon ».
« Ce serait désastreux que la commission se focalise sur la sortie symbolique du charbon », a même martelé Dieter Kempf, président de la Fédération de l’industrie allemande (BDI). De fait, le pays a trop longtemps rechigné à s’attaquer à cette problématique pour des raisons à la fois politiques et sociales. Et cela n’est s’est certes pas traduit par une explosion du charbon dans le mix énergétique allemand, mais on constate tout de même une stagnation, qui fait douter sur la capacité qu’a l’Allemagne à honorer ses engagements climatiques à l’horizon 2030.