À l’approche des élections européennes, il est plus que jamais d’actualité de se pencher sur les moyens consacrés par l’Union européenne par rapport aux grands projets et de comparer avec ce que font ses principaux concurrents. Une petite introduction qui sera complétée par une série d’interviews de différents experts dans différents domaines.
Croissance de la R&D au niveau mondial
Le programme « Horizon 2020 » initié en 2014 et qui se terminera en 2020, s’était fixé comme objectif d’investir 3 % du PIB en matière de R&D. Les initiateurs de ce programme cadre de l’UE qui regroupe tous les financements, avaient prévu qu’ils pourrait « créer près de 3,7 millions d’emplois et augmenter le produit intérieur brut d’environ 800 milliards d’euros d’ici à 2025 ». Lui succédera de 2021 à 2027, « Horizon Europe » dont nous avons déjà parlé, avec un objectif de 100 milliards d’euros pour financer la Recherche et l’Innovation.
À titre de comparaison par rapport à ce plan qui reste indicatif, la Banque mondiale évalue à 2,22 % du PIB les dépenses de R&D au niveau mondial pour 2016 (données disponibles les plus récentes). Un pourcentage qui croît de manière régulière (en 1996, le chiffre était de 1,97 % du PIB). Selon cet indicateur, on notera que l’Union européenne consacre 2,03 de leur son ? PIB (2,13 pour la zone Euro), les USA 2,66 %, la Chine 2,11 % et la Russie 1,10 %. On ne pourra s’empêcher de remarquer le phénomène Suisse avec ses 3,37 % du PIB consacré à la R&D.
N’oublions pas qu’à côté des grands blocs mondiaux et des États, on trouve désormais les géants mondiaux (GAFAM et NATU). Ainsi, le media Recode avait estimé qu’en 2018, Amazon était le premier investisseur de R&D aux USA avec 23 milliards de dollars. Amazon se place devant Alphabet qui a investi 16,6 milliards de dollars. Apple, lui n’étant que cinquième après Intel, avec 11,6 milliards.
La course à l’espace
On vient de le voir au travers de la Sonde Rosetta, du lancement de Galileo ou encore, plus récemment de la photographie du trou noir, (issu d’une coopération internationale à laquelle elle a activement participé), l’Europe est un acteur de premier plan au niveau spatial. Qu’en est-il en termes d’investissements ? En 2016, l’UE a lancé « une consultation publique sur la stratégie spatiale européenne ». Le plan fixé à l’issue de la consultation, devrait se traduire en termes budgétaires par un investissement de 16 milliards d’euros dans des programmes tels que Galileo/Egnos et Copernicus.
Il est difficile de juger ce genre d’initiatives au regard des autres objectifs fixés par les grands blocs mondiaux. On peut cependant comparer le budget annuel des agences spatiales. Alors que l’ESA affiche un budget de 5,72 milliards d’euros en 2019, celui de la NASA est d’environ 21,5 milliards de dollars, quant à l’Administration spatiale nationale chinoise, elle affichait un budget de 11 milliards de dollars en 2017.
Bien évidemment derrière ces budgets se cachent des stratégies différentes comme nous l’avions vu au travers d’un édito sur le Projet Space X.
L’IA en tête de gondole
L’intelligence artificielle fait feu de tous bois, et l’UE souhaite également apporter sa pierre à l’édifice. Ainsi, dans un communiqué récent, il a été annoncé que « Les États membres et la Commission vont collaborer pour stimuler l’intelligence artificielle «fabriquée en Europe». Ce sera incontestablement un des « flagship » (sujets prioritaires) du futur plan Horizon Europe. Aussi, les auteurs du communiqué reconnaissent la faiblesse des investissements consentis : « Par rapport à d’autres régions du monde telles que les États-Unis et la Chine, le secteur européen de l’IA est caractérisé par la faiblesse et la fragmentation des investissements. (…) Dans le droit fil de la stratégie présentée en avril, le plan prévoit une coordination accrue des investissements, ce qui renforce les synergies et permet de consacrer au moins 20 milliards d’euros d’investissements publics et privés à la recherche et l’innovation dans le domaine de l’IA d’ici à la fin de 2020 et plus de 20 milliards d’euros par an d’investissements publics et privés au cours de la décennie suivante. En complément des investissements nationaux, la Commission va investir 1,5 milliard d’euros d’ici à 2020, soit une augmentation de 70 % par rapport à la période 2014-2017. Pour le prochain budget à long terme de l’UE (2021-2027), l’UE a proposé d’investir au moins 7 milliards d’euros au titre du programme Horizon Europe et du programme pour une Europe numérique. »
Ces efforts remarquables seront-ils suffisants ? Quand on sait que l’administration Trump a décidé de faire de l’IA une priorité pour faire face à la Chine. Le Pentagone a annoncé la création d’un centre dédié à l’IA doté d’un budget annuel de 75 millions de dollars (un total de 1,7 milliard au total sur cinq ans) et en septembre la Darpa souhaite allouer une enveloppe de 2 milliards sur cinq ans. Quant à la Chine, elle a annoncé un Grand Plan pour l’IA en 2017 qui se résume en trois objectifs : « être leader du domaine en 2030, atteindre un niveau de subvention d’au moins 23,15 milliards de dollars d’ici à 2020 (celui de l’Union européenne est de 20 milliards d’euros mais nécessite la contribution des pays membres), et créer un marché national à 156 milliards de dollars. » Insistons enfin sur le fait que pour ce domaine peut-être plus que pour les autres, le développement de l’IA variera en fonction des différences socioculturelles et en sera fortement impacté : de la « reconnaissance faciale chinoise » à la « RGPD » européenne en passant par la souplesse des lois US, toutes les nuances sont envisageables.
Qu’il s’agisse de R&D, d’Espace ou d’IA, la future Commission Européenne aura donc à faire à une concurrence féroce et comme on peut s’en douter, pour rester dans la course, il ne suffira pas d’y mettre les moyens. Il faudra également mettre en place des stratégies.
Afin de compléter cette introduction, nous vous invitons à lire nos interviews d’experts scientifiques, politiques et autres leaders d’opinion
Questions à Françoise Grossetête, députée européenne
Interview de Marcel Kuntz : quel avenir pour les NBT en Europe ?
Interview avec Samuele Furfari : élections européennes
Interview de David Lacombled : le challenge de la transformation numérique
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