
La semaine passée la FDA, l’autorité de sureté des aliments américaine, a autorisé la mise sur le marché de porcs génétiquement édités, nous avons pu interviewer Maxime Banville, généticien à l’IFIP (Institut du Porc). L’expert répond à nos questions pour éclairer le sujet.
The European scientist : Pouvez-vous nous présenter l’IFIP ?
Maxime Banville : L’IFIP est un institut technique agricole. C’est un organisme de recherche appliquée et de développement technique au service de la filière porcine française. Il joue un rôle d’interface entre la recherche fondamentale, les professionnels de la filière et les pouvoirs publics. L’IFIP vise à améliorer la compétitivité et la durabilité de la filière porcine, en accompagnant les acteurs de l’amont jusqu’à l’aval.
TES : Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur votre titre et vos fonctions au sein de cet organisme ?
M.B. : Je suis responsable du pôle génétique de l’IFIP depuis un an environ. Ce pôle accompagne les entreprises et organismes de sélection en termes de recherche et d’innovation (exploration de nouveaux caractères sélectionnables et nouvelles méthodes d’amélioration génétique), d’accompagnement dans la gestion des populations sélectionnées, de représentation auprès des pouvoirs publics (ouverture de marchés, législation …). Une équipe composée de 10 ingénieurs et docteurs en génétique quantitative.
TES : Récemment la FDA (la plus haute autorité sanitaire US) a autorisé à la consommation une variété de porcs dont le génome a été édité pour resister au syndrome reproducteur et respiratoire porcin (SRRP). Pouvez-vous nous expliquer la maladie en question d’une part, et l’innovation d’autre-part ?
M.B. : Le SDRP (Syndrome Dysgénésique et Respiratoire Porcin ou PRRS en anglais), est une maladie virale. Elle affecte principalement les truies reproductrices, en provoquant des avortements, des naissances prématurées, des mort-nés ou des porcelets chétifs (forme reproductive) ainsi que les porcelets et porcs en croissance, avec des troubles respiratoires (forme respiratoire). C’est une maladie très contagieuse, difficile à éradiquer. Elle a un impact économique important du fait des pertes directes (mortalité, baisse des performances) et des coûts de prévention (biosécurité) ou de maîtrise (vaccination). En France, les établissements de sélection s’engagent au travers de la charte EQS au dépistage régulier du SDRP au sein de leurs élevages.
Pour ce qui est de l’innovation, la technologie CRISPR-Cas9 est une technologie permettant de modifier l’ADN de façon ciblée, c’est-à-dire capable de cibler une ou des régions spécifiques du génome puis de les découper (on schématise souvent CRISPR comme des ciseaux) soit pour les supprimer (knock-out), modifier un gène (édition) ou encore insérer un nouveau gène. Dans le cas de l’autorisation de la FDA, elle concerne des porcs dont un gène a été supprimé, ce gène codant pour un récepteur sur lequel se fixe le virus responsable du SDRP. En l’absence de point d’« ancrage » le virus ne peut pas entrer dans la cellule à infecter.
TES : Selon certains experts cette maladie est présentée comme la maladie la plus importante sur le plan économique avec un coût estimé aux USA de 560 millions de $. Quelle en est la cause ? Comment se manifeste-t-elle ? Qu’en est-il en Europe ?
M.B. : En Europe, les régions à plus forte concentration d’élevages sont plus touchées, c’est le cas de la Bretagne pour la France. Je ne connais pas bien l’impact économique de la maladie mais il me semble que cela peut aller de plusieurs dizaines à plusieurs centaines d’euros par truie reproductive selon le statut initial de l’élevage.
TES : Les promoteurs de la technologie argumentent des avantages de leur innovation : amélioration du bien-être animal, réduction de l’usage des antibiotiques, baisse des émissions de gaz à effet de serre….
M.B. : C’est un fait, comme tout travaux sur ces thématiques dans les populations en sélection. Moins d’animaux malades ce sont des animaux qui souffrent en moins, quant à l’usage des antibiotiques, des animaux exempts de la maladie sont moins sensibles aux co-infections (bactériennes notamment) il me semble. Ensuite limiter les pertes de productivités en maternité ou en engraissement, c’est améliorer la quantité de viande produite par porc et donc mathématiquement les émissions (moins de porcs pour le même volume de viande).
TES : Cette innovation soulève de nombreuses questions notamment celles de l’acceptabilité sociale de l’innovation : comment réagiront les consommateurs ?
M.B. : Je ne suis pas sociologue, mais la question se pose. En France, on a connu les OGM, leur culture est interdite depuis 2008 mais leur consommation est pourtant autorisée. Libre au consommateur de choisir ses actes d’achat surtout si l’étiquetage est à l’image de celui imposé pour les produits contenant des OGMs.
TES : Peut-on imaginer cela un jour au sein de l’UE ? En attendant pensez-vous que cela risque de poser des problèmes au niveau du commerce international ?
M.B. : Le groupe Genus ayant réalisé cette innovation est d’origine britannique et des discussions sont en cours à l’échelle européenne pour alléger le cadre réglementaire. Actuellement au niveau européen, les produits issus de cette technologie relèvent de la réglementation OGM. Dans un de ses derniers rapport, l’EFSA (European Food Safety Authority) distingue les petites modifications sans ajout d’ADN exogène des modifications plus lourdes relevant de la transgénèse. Dans le premier cas, la question de sa détectabilité dans les produits peut se poser: si la séquence rencontrée est issue de la même espèce, l’individu peut très bien avoir été produit par croisement par exemple.
Image par Marion Streiff de Pixabay
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