
Thérapie bioénergétiques, énergiologie, thérapie de la mémoire cellulaire, domothérapie, lithothérapie, thérapies quantiques ; Géobiologie de l’habitat ou ondobiologie ; Magnétisme animal, thérapie par le biomagnétisme, magnétothérapie ; BEV (pour bioelectronique de Vincent) ou l’électroculture….
Voici, selon Sébastien Point, la liste à la Prévert des thérapies qui détournent respectivement les concepts scientifiques de l’énergie, des ondes électromagnétiques, du magnétisme et des courants électriques. L’auteur les a compilées dans son nouvel ouvrage intitulé thérapies énergétiques, ondes, biochamps, fluides magnétiques … peuvent-ils soigner ? (éditions Book-e-book). Ingénieur en électronique et en optique, docteur en physique des plasmas et titulaire d’une licence en psychopathologie et d’un master en énergétique, ce spécialiste des technologies de sources lumineuses et des effets biologiques des rayonnements électromagnétiques, a fait un effort de vulgarisation considérable. Après avoir exposé ce « détournement de la science », il montre comment – via le ressenti – des charlatans réussissent à convaincre les patients, comment ils s’appuient sur les piliers de la tradition et de la nature pour faire valoir leurs idées et enfin font un travail de lobbying auprès des politiques.
Folklorisation de l’énergie
Considérons l’exemple de la thérapie de la mémoire cellulaire, un exemple de « folklorisation » du concept d’énergie pour reprendre l’expression de Point. Cette thérapie prétend modifier la mémoire cellulaire des patients (une mémoire qui serait constituée de toutes les expériences passées de celui-ci) et que le thérapeute serait capable de changer en délogeant les programmations destructrices et en les remplaçant par des programmations créatrices… ce grâce à des mouvements et des outils énergétiques. Selon l’expert, il y a clairement un détournement de la science, car le concept d’énergie tel qu’il a été développé par la méthode scientifique n’a rien à avoir avec celui des thérapeutes : chez ces derniers il s’agit d’un fluide « présent en nous et tout autour de nous » qu’il faut « maîtriser, canaliser ou évacuer ».
Or les sciences physiques ne conçoivent pas l’énergie comme une substance qui existerait en elle-même, mais plutôt une « grandeur mesurable quantifiant les changements d’organisation de la matière qui se transforme, s’échange et se meut sous l’action des 4 forces de la nature (gravitationnelle, électromagnétique, nucléaire forte et nucléaire faible). Aussi, on distingue l’énergie mécanique, thermique, électronique, nucléaire et de rayonnement. »
L’expert expose donc la forfaiture de toutes ces thérapies qui se parent des plus beaux atours de la science alors qu’elles n’en n’ont pas la moindre attribut. En exposant ce que représentent les concepts d’énergie, d’ondes électromagnétiques, de magnétisme et de courants électriques pour la science et leurs détournements par certains gourous, il met au grand jour le fossé qui sépare les deux.
Raisonnement hypothético-déductif vs ressenti
Alors que la connaissance scientifique se consolide en s’appuyant sur les raisonnements hypothético-déductifs et la constitution d’un corpus d’hypothèses falsifiables, ces thérapies, elles ont recours à l’intuition en misant sur « le ressenti, la subjectivité (…) Chaque praticien met en avant sa sensibilité ou celle de son client comme un élément crucial du fonctionnement de la technique ou de l’efficacité de son travail. » Le fait est que nous ne pouvons nous appuyer sur ces notions car, nos sens, nos croyances ou encore notre estime de soi nous trompent. C’est ce qu’affirme l’auteur, exemple à l’appui. « Cet appel au ressenti, terreau, des erreurs d’attribution causale et des biais de confirmation, est pratique : il permet de tenir au client un discours, tout à la fois suggestif, relativiste, invérifiable et valorisant en exploitant le fait que nos sens, nos croyances et notre estime de soi, nous trahissent. »
Idéologie, lobbying et politique
Reste maintenant les trois piliers sur lesquels s’appuie ce mouvement de fond qui est en train de prendre de plus en plus d’importance : un double appel à la tradition, à la nature et un recours à des techniques de lobbying les plus agressives. Concernant ces dernières cela peut aller jusqu’aux menaces de ceux qui oseraient critiquer certaines thérapies … Sebastien Point avoue avoir fait lui-même l’objet de pressions.
Des patients de plus en plus impatients
On sera reconnaissant à Sébastien Point d’avoir mis si clairement au jour cet usage frauduleux de la science. Une pratique qui s’ajoute à d’autres formes d’idéologies qui opèrent une récupération de la science en faisant l’usage de sophismes (voir nos travaux à ce sujet dans Greta a ressuscité Einstein).
La question qu’il restera à aborder dans un autre ouvrage est celle de savoir « pourquoi de plus en plus de patients se tournent vers ces solutions alternatives ? »
A ce sujet, il aurait peut-être été nécessaire de creuser ce distinguo entre ces pseudo-thérapies qui prétendent incarner la science alors qu’elles la détournent et une médecine qui est un art qui s’appuie sur la méthode scientifique (sans se confondre avec la science). Ainsi on comprendrait mieux la différence de nature entre le charlatanisme et la médecine. Alors que le premier piétine la méthode scientifique et se coupe de toute possibilité d’amélioration dès le départ, la seconde, elle, s’appuie sur cette méthode pour obtenir des résultats (pas toujours patents ou immédiats) auprès des patients. Il y a donc bien une opposition de nature et non de degrés entre les deux. De ce point de vue, il ne faudrait pas évacuer trop vite l’intuition du patient et son rapport au praticien dans cette volonté de démasquer les pseudo-thérapies. Car pour reprendre le philosophe de la médecine Canguilhem « Toute pathologie est subjective au regard de demain…. En ce sens, toute science objective par sa méthode et son objet est subjective au regard de demain, puisque, à moins de la supposer achevée, bien des vérités d’aujourd’hui deviendront des erreurs de la veille. » (voir à ce sujet notre dossier COVID )
Alors que la médecine qui s’appuie sur la méthode scientifique s’inscrit dans cette logique d’amélioration des techniques de soin, les thérapies qui la détournent en sont coupées de manière définitive. C’est la différence fondamentale entre « l’art de soigner » qui s’appuie sur les preuves (EBM) pour objectiver la maladie et l’idéologie incarnée dans les pseudo-thérapies qui renvoie le patient à sa subjectivité. Et c’est certainement parce qu’ils ne comprennent pas ce distinguo fondamental que beaucoup de patients, devenus « impatients », se tournent vers ce genre de thérapies alternatives… S’ils en avaient conscience il n’iraient sans doute pas rejoindre cette vague qui grossit de jour en jour et qui menace l’intégrité de notre système de santé.
D’où la nécessité de l’ouvrage de Sébastien Point, une pierre supplémentaire à l’édifice d’une bonne politique scientifique.
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